Extrait L'Objet d'Art

7 JUIN 2021 L’OBJET D’ART À l’assaut de l’incontournable Salon Dominé par David et les « trois G. » que furent Gérard, Gros et Girodet, l’art du début du XIX e siècle ne semble au premier abord guère laisser sa chance au « beau sexe ». « L’art de la peinture vient d’atteindre en France un très haut-degré de perfection et jamais on y a vu autant de femmes artistes », écrit pourtant le peintre Charles-Paul Landon alors que triomphe le très viril Empire. Lamontée en puissance des femmes au sein du Salon se révèle particulièrement tangible : entre 1790 et les années 1820, leur part passera de 9 à 15 %. Si le taux de refus les affectant est encore supérieur à celui des hommes, leurs parcours sont dorénavant très semblables. On assiste également à la fin de l’Empire à une évolution de leur sociologie : jusqu’alors principalement issues des classes les plus favorisées de la société, elles sont désormais de plus en plus nombreuses à appartenir à la petite bourgeoisie ou à venir du métier. La place grandissante qu’elles occupent explique par ailleurs la grande quantité de scènes de genre, portraits et petits tableaux que l’on trouve désormais au Salon, puisqu’elles s’y adonnent plus largement que leurs homologuesmasculins. Venu des États-Unis, le remarquable Attrapeur de mouche d’Isabelle Pinson (1769-1855) est parfaitement caractéristique de cette vogue nouvelle. Certaines artistes choisissent pourtant d’autres voies, comme en témoigne le travail d’Angélique Mongez (1775-1855) qui par ses grandes composi- tions davidiennes se confronte avec brio à la peinture d’Histoire. Invisibles ? En conclusion de l’exposition, l’analyse d’un monumental tableau absent résume en vidéo l’enjeu de l’accrochage. Au premier regard, il ne semble y avoir que des hommes dans cette toile de François-Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Autoportrait de l’artiste peignant le portrait de l’impératrice Maria Féodorovna , 1800. Huile sur toile, 78,5 x 68 cm. Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage. ©️ Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage Isabelle Pinson, L’attrapeur de mouche , 1808. Huile sur toile, 39 x 30 cm. Notre Dame (IN), Snite Museum of Art, University of Notre Dame. Bequest of Dr. Paul J. Vignos Jr. ©️ Collection of the Snite Museum of Art, University of Notre Dame Joseph Heimfigurant Charles X récompensant les artistes du Salon de 1824. Une observation plus attentive permet pourtant rapidement de distinguer au milieu de la fine fleur artistique de la Restauration une dizaine de figures féminines parmi lesquelles on reconnaît Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845), peintre attitrée de la duchesse de Berry médaillée au Salon à plusieurs reprises, Louise Hersent (1784- 1862), peintre d’histoire et portraitiste, ou encore l’incontournable Élisabeth Vigée Le Brun... Certes minoritaires, les femmes peintres étaient pourtant loin d’être invisibles et jouissaient en leur temps d’une véritable reconnaissance : elles doivent donc retrouver aujourd’hui leur juste place au sein de notre historiographie. Olivier Paze-Mazzi « Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat », jusqu’au 4 juillet 2021 aumusée du Luxembourg, 19 rue Vaugirard, 75006 Paris. Tél. 01 40 13 62 00. www.museeduluxembourg.fr Catalogue, RMN-Grand Palais, 208 p., 40 € . À LIRE : Dossier de l’Art n° 286, éditions Faton, 80 p., 9,50 € . À commander sur www.faton.fr

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