Extrait L'Objet d'Art

6 L’OBJET D’ART JUIN 2021 EXPOSITIONS PLEINS FEUX SUR LA PEINTURE AU FÉMININ Réunissant 70 œuvres issues de collections publiques et privées internationales, l’exposition du musée du Luxembourg évoque, à travers les parcours de 35 femmes peintres, la féminisation des beaux-arts et la mutation du milieu artistique entre 1780 et 1830. M arie-Gabrielle Capet, Alexandrine Delaval, Julie Duvidal de Montferrier, Rosalie Filleul de Besnes, Marie-Victoire Lemoine, Adèle Romanée... La plupart des femmes peintres ont au- jourd’hui sombré dans l’oubli, même si quelques-unes, comme Adélaïde Labille-Guiard, Marie-Guilhelmine Benoist ou Marguerite Gérard sont bien connues des amateurs. Une seule d’entre elles semble cependant disposer de nos jours d’une gloire comparable à celle de ses confrères masculins grâce à son talent, sa longévité, et sa qualité de portraitiste officielle de la reine la plus fameuse de son temps : Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1845). C’est d’ailleurs avec son bel autoportrait conservé à l’Ermitage que s’ouvre l’exposition : il vient rappeler qu’en mai 1783, son entrée à l’Académie royale de peinture en compagnie d’Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803) avait suscité un certain émoi, l’abbé de Fontenay dé- plorant même « cette nouvelle manie de se faire femme-peintre » ! Traditionnellement dominés par Mars, les beaux-arts vont désormais devoir ménager une place à Vénus, même si la route demeure semée d’obstacles : on limite en effet à quatre le nombre d’académiciennes tandis que l’étude du nu permettant de se mesurer au grand genre demeure en principe inaccessible aux femmes. Vers une professionnalisation Les dernières années de l’Ancien Régime voient un nombre croissant de jeunes filles issues de la bourgeoisie se former à la peinture et aux arts graphiques, l’éducation artistique étant considérée par cette classe sociale en pleine ascension comme un élément distinctif de l’élite. Malgré une nouvelle interdiction prononcée par l’Académie en 1787, de prestigieux ateliers comme ceux de Greuze, David ou encore Regnault s’ouvrent bientôt à la gent féminine qui délaissera progres- sivement lemodèle jusqu’alors dominant de la transmission familiale des savoirs. Grâce à l’élan impulsé par les pionnières des années 1780, les cours privés se multiplient bientôt et de véritables sections fémi- nines voient le jour au sein des ateliers, généralement placées sous l’autorité de l’épouse du maître ou de l’une de ses anciennes élèves. Marie-Gabrielle Capet, L’atelier de Madame Vincent en 1800 , 1808. Huile sur toile, 69 x 83,5 cm. Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Neue Pinakothek, Leihgabe des PinakotheksVereins. ©️ BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BStGS. L’épouse du peintre Vincent ici représentée devant son chevalet n’est autre qu’Adelaïde Labille-Guiard, mariée en 1799.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz