Extrait L'Objet d'Art

PARIS LE MYSTÈRE GUERNICA Le musée Picasso consacre une exposition au chef-d’œuvre de l’artiste catalan, Guernica , peint en 1937. Contournant l’absence du tableau original et prenant appui sur une recherche approfondie dans les archives du musée Picasso, elle permet de s’attacher tant à sa genèse qu’à sa postérité, en le replaçant dans un contexte contemporain. Construire une exposition sur Guernica sans Guernica , tel est le défi que relèvent les deux commissaires de l’exposition présentée à l’Hôtel Salé, Émilie Bouvard, conservatrice aumusée national Picasso-Paris, et Géraldine Mercier, historienne de l’art. L’œuvre au format monumental étant destinée à ne plus quitter Madrid, un habile subterfuge a été trouvé pour la représenter par l’intermédiaire d’une reproduction d’une échelle légèrement supérieure à l’original. L’entrée dans le contem- porain commence alors, puisque l’œuvre est principalement connue grâce à ses reproductions. Vu de Paris Il s’agit ici de se placer du point de vue de Paris, à partir des archives dumusée Picasso et de prêts exceptionnels de Madrid, notamment de nombreuses esquisses permettant de mieux appréhender l’évolution de la composition de l’œuvre. Créée entre le 1 er mai et le 4 juin 1937, elle est à la fois une icône de l’art moderne et une peinture éminemment politique. Le parcours de l’exposition est construit en deux temps, de l’avant à l’après, de la genèse de Guernica au rez-de-chaussée, à sa postérité, au premier étage. Lorsque la délégation de la République espagnole en guerre, qui avait nommé Picasso directeur honoraire du Prado en 1936, prend contact avec l’artiste, fin 1936-début 1937, celui-ci est à Paris, travaillant dans son atelier du 7 rue des Grands-Augustins. Il reçoit la commande d’une peinture pour le pavillon espagnol de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne. Les premières esquisses reprennent le thème du peintre et son modèle, sur lequel Picasso revient alors inlassablement. Mais le choc provoqué par le bombar- dement de la ville basque de Guernica le 26 avril 1937 fait basculer son projet initial. L’exposition souligne l’importance de cette nouvelle dans le contexte français, à travers un ensemble d’affiches issues du fonds des Brigades internationales des Archives Nationales de France. La correspondance de Picasso avec ses proches demeurés en Espagne et lui donnant des nouvelles témoigne de cette préoccupation dévo- rante, ainsi une lettre de Maria Picasso évoquant les scènes de guerre des rues de Barcelone en juillet 1936. Demême, le soutien de l’artiste aux exilés espagnols arrivés en France est mis en valeur. Une iconographie multiple L’exposition permet de découvrir les différentes études de Picasso en vue de sa fresque finale. La couleur étonne, tandis que les motifs reprennent un répertoire omniprésent dans les œuvres du peintre, le taureau, le cheval, la femme à la bougie. Les sources iconographiques sont puisées dans l’art catalanmédiéval, les Désastres de la guerre de Goya ou encore les illustrations de l’Apocalypse de Saint-Sever du XI e siècle. Crucifixions, Corridas, Minotauromachies, Femmes qui pleurent sont présentes à travers gravures, dessins et peintures des années 1930. Compagne de Picasso, l’artiste surréaliste d’origine croate Dora Maar photographie les différents états de l’œuvre. La projection de ces photographies révèle le processus de création dans toute sa complexi- té, de la variation de position du soldat à l’obscurcissement progressif Pablo Picasso, Corrida : la mort du toréro , 19 septembre 1933. Huile sur bois, 31 x 40 cm. Paris, musée national Picasso-Paris. Photo service de presse. © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2018 Pablo Picasso, Étude pour Guernica (Tête de cheval) , Paris, 2 mai 1937. Huile sur toile, 64 x 90,5 cm. Photo service de presse. © Photographic Archives Museo Nacional Centro de Arte Sofia, 1992 © Succession Picasso 2018 6 L’OBJET D’ART JUIN 2018 EXPOSITIONS

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