Extrait L'Objet d'Art

de la composition. Mise en relation avec les Songes et mensonges de Franco , un portfolio créé par Picasso afin de lever des fonds pour dé- fendre la Républiquemontre la façon dont le travail sur Guernica a une influence non négligeable. Les voyages de Guernica À l’étage de l’Hôtel Salé est explorée l’histoire de Guernica , dès lors que l’œuvre sort de l’atelier des Grands-Augustins. Du pavillon de la Répu- blique espagnole, en 1937, au retour en Espagne, près de cinquante ans plus tard, l’œuvre circule. Tout d’abord exposée à Stockholm à la façon d’un chef-d’œuvre, puis à Londres, elle est ensuite mise en dépôt en 1939 à New York, au Museum of Modern Art, où elle marque profondé- ment les artistes de l’expressionnisme abstrait (dans une présentation plus politique, Roland Penrose, premier biographe de l’artiste, cherchant à lever des fonds). De là, Alfred Barr, directeur du MoMA, la fait circuler. Mise en abîme de l’absence de l’œuvre dans l’exposition, une salle est consacrée à son impact dans l’Espagne de Franco, où elle symbolise la lutte anti-franquiste. En 1959, Antonio Saura fait écho à son cri dans Grito, n°7 . Dix ans plus tard, le collectif Equipo Crónica anime l’œuvre dont les personnages cherchent à s’enfuir avant une visite officielle. En 1977, l’opposant basque Agustín Ibarrola, emprisonné à plusieurs reprises, crée une poignante série d’estampes reprenant les figures de Guernica . Francomeurt en 1975, Guernica est restituée à l’Espagne en 1981, au Casón del Buen Retiro, aumusée du Prado, arrivant en grande pompe et sous haute protection. « Guernica », jusqu’au 29 juillet 2018 au musée national Picasso-Paris, 5 rue de Thorigny, 75003 Paris. Tél. 01 85 56 00 36. www.museepicassoparis.fr Catalogue, coédition musée Picasso / Gallimard, 320 p., 42 € . Le regard contemporain La spécificité de l’exposition consiste également à intégrer à l’accro- chage des œuvres contemporaines qui résonnent avec Guernica . De nouveau, se croisent sa perception en tant qu’icône et celle en tant qu’œuvre politique. Dans la salle des esquisses, par exemple, le fu- sain Guernica Redacted (After Picasso’s Guernica, 1937) de l’Américain Robert Longo (2014) cite la composition de Picasso en la scandant de bandes noires, invitant à la regarder autrement. Le groupe concep- tuel britannique Art & Language s’interroge sur la valeur plastique de l’œuvre et son influence sur l’expressionnisme abstrait, en réalisant son Picasso’s Guernica in the Style of Jackson Pollock , en 1980. Quant à la vidéo de Pilar Albarracín, elle croise capture de colombes et son des bombardements de Guernica. Cette inscription dans une contem- poranéité convainc du rôle majeur joué par ce tableau, brillamment analysé dans le conséquent catalogue. Fanny Drugeon Dora Maar, Huile sur toile Guernica e n cours d’exécution, état VII, atelier des Grands-Augustins, Paris, en mai-juin 1937 . Épreuve gélatino-argentique, 24 x 30,4 cm. Paris, musée national Picasso-Paris, don Succession Picasso, 1992. Photo service de presse. © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2018 7 JUIN 2018 L’OBJET D’ART

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