Extrait Dossier de l'Art

22 / DOSSIERS DE L’ART 296 Les XV e et XVI e siècles DE VAN DER WEYDEN À HOLBEIN Par Alexis Merle du Bourg L’art du Moyen Âge, singulièrement la peinture, fut long- temps considéré avec le plus grand dédain par les ama- teurs européens (qui n’y trouvaient, au mieux, qu’un inté- rêt documentaire) et regardé par les personnes ayant le goût délicat comme empreint de la plus complète bar- barie. Un tournant de la sensibilité s’amorça de manière décisive au début du XIX e siècle grâce à un regain d’in- térêt pour la période. Un autre ferment de ce qui allait constituer une véritable révolution du goût en Europe fut la sorte de révélation qu’opéra, sous le Premier Empire, la visite du Louvre par certains esthètes pointus, sinon excentriques. Le « musée Napoléon » offrit accès, en effet, de manière éphémère, à un rassemblement de peintures qui, pour avoir été conquises (sans vergogne) dans toute l’Europe, n’en présentaient pas moins une ampleur ency- clopédique absolument inédite et riche d’enseignement. Bruxelles et Bruges Acquis pour le Mauritshuis auprès du baron Keverberg van Kessel à Bruxelles en 1827 (comme une œuvre de Hans Memling), la Déploration du Christ mort due à Rogier van der Weyden et son atelier (voir p. 26-27) illustre ce retour en grâce de l’une des plus fécondes périodes de l’histoire de l’art. Datant hypothétiquement des années 1460, le panneau témoigne par son pathétisme effu- sif de l’importance de cette figure artistique dominante à Bruxelles que fut Van der Weyden à partir des années 1430. Il demeure la plus ancienne peinture conservée par le musée à ce jour. Davantage estimé au XIX e siècle qu’il ne l’est aujourd’hui, notamment parce que la suavité de son art religieux répondait aux critères du Gothic Revival (mais encore parce que sa vie était entourée d’une sorte de parfum romanesque), le maître allemand actif à Bruges entre 1465 et sa mort (1495), Hans Memling, finit par faire – effectivement – son entrée au musée en 1895. Ayant appartenu à un collectionneur britannique, Sir Andrew Fontaine, avant d’être acquise en 1894 par la Vereniging Rembrandt 1 , la robuste effigie masculine réputée repré- senter un membre d’une famille franc-comtoise, les Lespinette ou de Lespinette 2 – dont le blason figurerait au dos du panneau –, constitue une œuvre représentative de l’art très maîtrisé du portrait pratiqué par Memling au seuil de la Renaissance. Présentant un fort degré de caracté- risation – gageons que nous pourrions reconnaître cet homme au nez un peu fort, barré d’une cicatrice, si nous La notoriété du Mauritshuis repose, en premier lieu, sur une impressionnante collection de chefs‑d’œuvre hollandais (et, dans une moindre mesure, flamands) du XVII e siècle. Mais le musée de La Haye peut aussi se targuer de posséder un ensemble de haute volée de tableaux du Moyen Âge tardif et de la Renaissance septentrionale.

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