Extrait Art et Métiers du Livre

AML N° 325 25 La mise en œuvre « Dedans, dehors, le seuil ancien / et le pas / qui retentit au présent, / la lampe / comme autour / d’un crâne absent, / les poutres, / le bois, la patine, le lessivage / du temps, / la démesure de l’écoulement. » La forme du poème, le mystère qu’il induit parfois par l’association inhabituelle de mots m’ont donné envie de réaliser une reliure épurée, de manière à laisser toute la place à l’interprétation du lecteur. J’ai dessiné, non pas une maquette, mais un croquis d’intention, où sont mis en place les différents composants. Le cuir est travaillé par ponçage, allu- sion à l’érosion, au passage du temps. La couleur marron et la matière obtenue illustrent le rapport à la terre, au bois, à la nature en général. J’ai volon- tairement choisi un aspect rustique pour coller au poème dans son omniprésence à la nature, à la rudesse d’un paysage de montagne. rendre les nuances du poème : ni ombre, ni lumière, plutôt une sorte d’entre-deux, de passage, en rap- port avec la transition des saisons, mais aussi avec la permanence des portes qui permettent de « passer » ou non. « Dehors, là où sombrent les étoiles, / un ciel, / le vent des reprises et des vivacités, / un mugissement / et la porte qui bat, cogne et se tient / immobile, / perdue dans un sourire de bête […]. » La nature – vent, paysage, bois… – est traitée, entre autres, par l’adjonction de ces points en papier végétal que j’ai fabriqué à partir de poireaux. La matière obtenue donne un papier fin avec une consistance proche du calque. Je l’ai appliqué en mosaïque, comme du cuir. Ces petits cercles de papier aux tons jaune-vert apportent des points de clarté, rythment la composition, apportent une ponctuation au décor, liant le réseau de petits points et traits pour créer des passages entre eux. En conclusion J’ai voulu un décor épuré avec une couleur domi- nante sur une reliure sans endossure, pour laisser les matières cuir et papier s’exprimer : évoquer ce que le poème et ses illustrations m’ont inspiré, don- ner envie de prendre le livre dans ses mains, per- mettre un préambule comme une porte à ouvrir pour entrer dans la poésie des mots et des images. De haut en bas : Carnet d’intention : citations, liste des éléments marquants du poème, idées pour les restituer. Détail de la reliure d’Hélène Limousin. Matériaux et outils : cuir, papier végétal, baguettes en métal, fer, filets et point pour le marquage à chaud. « Plus loin dans l’ombre, un crâne rit. Le feu se soulève, ses flammes ont plus d’insistance que la bougie reléguée par cette concurrence, dont soudain l’homme souffle l’inutilité. » J’ai souhaité rendre l’impression de mouvement qui ressort du texte par un travail d’empreinte de lignes, tracées par application de baguettes de métal puis retravaillées au fer à chaud. Un réseau de petits traits et points marqués à chaud sur le cuir – reflétant nos déambulations avec l’auteur au travers des scènes – apporte un contrepoint aux veines apparentes de la peau qui suggèrent la matière du bois. Pour la couleur, j’ai écarté le noir, le marron chocolat me semblant plus à même de Les photos de cet article sont à créditer à Hélène Limousin. Hélène Limousin, Atelier des Mille Feuillets, 11, boulevard Faidherbe, 49300 Cholet. Tél. : 02 41 75 11 79, courriel : lesmillefeuillets@hotmail.com , site Internet : lesmillefeuillets.fr À noter : ouverture de l’atelier les 7 et 8 avril 2018 dans le cadre des Journées européennes des métiers d’art.

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