Extrait

Les plus anciennes représentations de bâtiments japonais parvenues en Europe sont celles des deux châteaux qui marquent le début et la fin de l’époque d’Azuchi Momoyama (1573-1603) : celui d’Azuchi, construit pour Oda Nobunaga (1534-1582) en 1576, et celui d’Osaka, construit pour Toyotomi Hideyoshi (1537-1598) et qui sera détruit en 1615. Ces représentations architecturales formaient les décors de deux paravents arrivés en Occident entre la fin du XVI e siècle et le début du siècle suivant. Byôbu et Occident Dans le Japon du XV e siècle, les paravents – byôbu – devinrent de véritables status sym- bols , signes visibles de la puissance et de la richesse des commanditaires, en raison no- tamment de la quantité d’or employée dans les fonds et les bandeaux de nuages et de la finesse de la peinture. Aussi furent-ils sou- vent offerts comme cadeaux diplomatiques à des personnages du plus haut rang 2 . À partir de 1401, les ambassadeurs du Japon envoyés auprès des empereurs Ming empor- taient toujours avec eux « trois paires de paravent à fond d’or » parmi d’autres objets d’art comme des laques 3 . Offrir des para- vents aux souverains étrangers était devenu une tradition séculaire. Malgré la simplicité de leur structure – deux, quatre, le plus souvent six ou huit panneaux reliés par des charnières à un fond constitué d’un cadre treillissé de bois, recouvert de papier ou de tissu –, ces paravents étaient encombrants et fragiles, ce qui excluait d’en faire l’objet d’un commerce international car sur terre les marchandises devaient être transportées à dos de chameau, par mer dans les cales étroitement cloisonnées de petits bateaux de cabotage. Si les paravents voyageaient outremer, c’était donc le plus souvent à l’occasion d’ambassades. Et il fallut attendre les voyages au long cours des Portugais, qui atteignirent les ports du Japon en 1543, pour que les paravents japonais franchissent les océans et attirent la curiosité des Occidentaux. Ainsi, le marchand florentin Francesco Carletti (1573-1636), arrivé au Japon en 1597, est l’un des premiers à en donner les caractéristiques dans ses mémoires 4 . Le jésuite Gaspar Vilela (v. 1562-1572) remarque, lui, l’extrême réalisme des pein- tures 5 . Un autre jésuite, João Rodriguez « Tçuzzu » (1568-1633), témoigne que « de cet article utile il existe différents types très bien réalisés, dont certains ont été envoyés en Europe 6 ». À partir de 1590, les paravents – désignés par « peintures », « tableaux », ou « beobu , biobus , biombu ou biombo », ou encore « murs espagnols » en allemand – commencèrent à être expédiés en Europe en passant par l’Inde, dans un premier temps sur des navires espagnols (jusqu’en 1623) et portugais (jusqu’en 1639), puis sur des navires de la English East India Company et de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), qui maintint un comptoir au Japon jusqu’à la fin du shogunat en 1867. Mais en raison de leur taille encombrante, de leur fragilité, du risque d’infestation par les insectes et de leur faible prix d’achat en Europe, le commerce de ces objets ne s’avéra que marginalement rentable. La VOC cessa donc d’en expédier aux Pays-Bas après les années 1650 7 . Détail fig. 9. 59 CHÂTEAUX DE PAPIER Deux paravents connus en Europe au tournant du XVI e siècle Ilaria A NDREOLI 1

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