Extrait Virgule

13 « Le jour de ma naissance, nous achetâmes six chaises foncées de crin » J. M. Barrie, Portrait de Margaret Ogilvy par son fils , 1896 La maison natale de J. M. Barrie à Kirriemuir W © akg-images / WHA / World History Archive C ’est en Écosse, terre de légendes, dans la petite ville de Kirriemuir, que James Matthew Barrie vient au monde, le 9 mai 1860. Ce jour-là est marqué par un autre événement d’importance dans la famille Barrie : l’achat de six chaises, que David Barrie, le père du petit James Matthew, rapporte à la maison. Événement d’importance, car la famille Barrie n’est pas riche. Le père, ouvrier tisserand, tra- vaille dur pour un modeste salaire. James Matthew a deux frères, l’un prénommé Alexander, et l’autre David, comme leur père, et quatre sœurs, Mary, Jane Ann, Sara et Isabella. Une famille nombreuse donc, qui s’agrandira encore avec la naissance de Margaret, puis avec celle d’Ethel. La petite enfance de James est bercée par les his- toires que lui raconte Margaret Ogilvy, sa mère, des histoires du temps passé, quand elle évoque les souvenirsde sapropreenfance, et des histoires qu’elle lui lit, dans des livres empruntés à la biblio- thèque. Parmi ces livres, Robinson Crusoé , le roman deDaniel Defoe, dont le héros se retrouve, après un naufrage, sur une île déserte, impres- sionne fortement la jeune imagination de James. En janvier 1867, David, l’un des deux frères de James, fait une lourde chute sur une patinoire. Très gravement blessé, il meurt peu après. David avait treize ans, et il était le fils préféré de Margaret Ogilvy, qui sombre alors dans une profonde dépression. Elle reste prostrée sur son lit, enfermée dans sa douleur, dans le noir. Le petit James, qui n’a pas encore sept ans, souffre beaucoup d’être délaissé. Un jour, sa sœur Jane Ann le fait venir au chevet de leur mère, dans l’espoir que le petit garçon vivant la détourne de son chagrin et du garçon mort. James entre dans la chambre, qui est plongée dans l’obscurité. Le silence qui règne dans la pièce est effrayant aussi. Puis, soudain, une voix faible, venue du lit, demande : « Est-ce toi ? » James croit que sa mère parle à son fils perdu, alors il répond : « Non, ce n’est pas lui, ce n’est que moi ». Bouleversée par la détresse qu’elle perçoit dans cette réponse, Margaret Ogilvy prend le petit James dans ses bras… Dès lors, le jeune garçon passe beaucoup de temps auprès de sa mère : il s’efforce de la dis- traire, fait le pitre pour lui arracher un rire entre ses larmes, et comptabilise chaque rire gagné, en le marquant d’un trait, sur un mor- ceau de papier… Il y a parfois quelque chose de désespéré et de pathétique dans les efforts du petit James pour attirer l’attention de sa mère, comme le jour où il se présente devant elle déguisé en David, c’est-à-dire vêtu des habits de ce frère disparu… Tout cela, James Matthew Barrie le racontera des années plus tard dans le livre qu’il consacrera à sa mère, Portrait de Margaret Ogilvy par son fils . À quatorze ans, James part rejoindre son frère aîné Alexander à Dumfries, dans le sud de l’Écosse, et entre à la Dumfries Academy , un collège de la ville. Il passe là des années heu- reuses : il se fait de nouveaux amis, avec les- quels il partage ses lectures – les romans d’aventures de Fenimore Cooper (l’auteur du Dernier des Mohicans ) et de Jules Verne, et les romans historiques de Walter Scott. James participe au journal du collège, et crée avec ses amis un club de théâtre, pour lequel il écrit une pièce intitulée Bandelero le bandit et très inspirée des romans de Walter Scott.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz