Extrait Sport & Vie

hors-série n o 53 26 D ans les livres d’histoire de France, le 5 juin 1944 est connu sous la locution «jour J-1» , veille du débarquement des troupes alliées sur les plages de Normandie, la fameuse «Opération Overlord» qui allait libérer la France et amorcer la fin de la Deuxième guerre mondiale en Europe. C’est aussi le 5 juin 1944 que ces mêmes Alliés entrèrent dans Rome, vingt-quatre heures après que les Américains du général Clark eurent ouvert la voie. Personne n’aurait donc l’idée d’as- socier cette date cruciale à un match de football. Pourtant, on en a bel et bien joué un au Parc Lescure de Bordeaux (ancien stade du club de foot des Girondins). Et il est historique dans la mesure où un acteur y disputa son premier et dernier match de championnat de France. Un événement très improbable qui nous ferait presque dire, à l’image de Bourvil dans La Grande vadrouille , que «la guerre a du bon» . Amateurs de Vichy Avant tout, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Depuis 1940 et la fin de la «Drôle de guerre» , une débandade française face aux soldats nazis, la «Révolution nationale» du maréchal Pétain est de mise en France. Dans les faits, il s’agit d’un gouvernement fantoche qui vit reclus à Vichy et Par un bel après-midi de printemps, Fernandel a endossé un rôle qu’on ne lui connaissait pas, celui de joueur de foot de première division! Mais cela se passait en 1944 et les circonstances n’étaient pas tout à fait celles d’un championnat normal. FERNANDEL (1903-1971) obéit à l’occupant allemand. Parmi ses attributions, figure le sport, qu’il a décidé de purger de ses professionnels. Normal, puisque Vichy a confié ce portefeuille d’abord à un joueur de tennis, Jean Borotra, puis à un ancien international de rugby devenu colonel, Joseph Pascot. Tennis et rugby, deux sports dont l’attachement à l’amateurisme, même marron, survivra longtemps. Dès son installation en 1940, Jean Borotra promet de mettre fin au professionnalisme dans les trois ans, notam- ment en football. Le «Basque bondissant» (son surnom) étant renvoyé en avril 1942 puis fait prisonnier par les Allemands pour avoir un petit peu trop espéré un match-revanche, c’est Pascot qui concrétisera le projet. C’est ainsi que la saison de football 1943-1944 est disputée par des équipes régionales composées de footballeurs locaux devenus des fonction- naires rémunérés en tant que tels, avec interdiction de tirer tout autre revenu de leur activité sportive. D’un point de vue purement formel, ce championnat dit fédéral est allé au bout, chacune des seize équipes disputant trente matchs, et il a été remporté par l’équipe de Lens-Artois devant celle de Lille-Flandres (rien à voir avec la gare). Et si certains scores sont un peu folkloriques, comme ce 7-3 infligé par Lyon-Lyonnais à Toulouse-Pyrénées, ils ne sont pas si étonnants pour l’époque. Tout va bien dans le On m’appelle fair-play Pendant la guerre, le foot continue.

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