Extrait Sport & Vie

hors-série n o 51 21 tragique survenue au Sherpa Gyali. Nous sommes à l’été 1934. Une expédi- tion allemande se trouve dans le Nanga Parbat et essuie orage après orage. Pas très loin du sommet, le leader allemand Willy Merkl, accompagné uniquement de Gyali, décide de rebrousser chemin. Dans la descente, à bout de force, il meurt d’épuisement. Gyali aurait très bien pu continuer et regagner le camp de base tout seul. Il choisit pourtant de se laisser mourir au côté de son compa- gnon. C’est aufil de récits de ce genre que les Sherpas se sont forgé une réputation de grande loyauté en même temps qu’ils devenaient eux-mêmes de bien meil- leurs alpinistes. Un premier changement de l’homme. Dans son livre autobiogra- phique intitulé Sherpasig , Henri Sigayret décrit leur mode de vie qui, jusque dans les années 70, était encore très misé- rable (2). Plus surprenant: il affirme que la plupart des Sherpas détestent la très haute altitude! Le petit-fils de Tensing Norgay (qui accompagna Hillary au som- met de l’Everest), un certain Tashi, lui aurait même assuré que si les Européens n’étaient pas venus s’aventurer dans leurs contrées lointaines, aucun des plus hauts sommets du monde n’au- rait été conquis à ce jour. Adeptes du «vajrayana» , forme de bouddhisme d’ori- gine indienne, les Sherpas sont persua- dés que les divinités hantent la mon- tagne et, pour ne pas attirer le mauvais œil sur soi, il vaut mieux éviter de les déranger. Lorsqu’à partir des années 20, les étrangers arrivèrent avec leurs ambitions de conquêtes, la plupart des Sherpas refusèrent les petits boulots qu’on leur proposait (porteur, cuisinier) et ceux qui acceptèrent y étaient sou- vent contraints et forcés. Cela dit, ils firent aussitôt preuve d’un immense courage comme le démontre l’histoire qualité de ‘mail-runner’ (ndlr: en français, on dirait ‘messager-coureur’), il fut chargé d’aller porter le plus vite possible la grande nouvelle à Katmandou. Il mit cinq jours à rallier la capitale depuis le camp de base de l’Everest. N’importe quel autre alpiniste de notre expédition aurait mis quinze jours de plus!» Des sherpas jusqu’aux bouddhistes Henri Sigayret connaît particuliè- rement bien la communauté sherpa puisqu’il a vécu au pied de l’Everest et est marié à une Sherpani appelée Danzi. Contrairement à lamajorité desNépalais qui pratiquent l’hindouisme, la société sherpa ne connaît pas le système de castes. La femme est considérée à l’égal Henri Sigayret, sherpa d’adoption Le drame du Nanga Parbat en 1934 tua finalement 9 personnes: 3 allemands et 6 sherpas. Les autres y laissèrent des doigts et des orteils. Les brigades du Tigre important s’opère sous l’impulsion du major Harold William «Bill» Tilman en 1938. Ce chef d’expédition britannique décrète que lesmeilleurs Sherpas auront désormais un rôle spécifique au sein des missions, celui de guide pour la très haute montagne. Il les rebaptise «tigres des neiges» . Le plus célèbre d’entre eux s’appelle évidemment Tensing Norgay. Les superstitions n’avaient pas de prise sur lui, disent ses contemporains comme Edmund Hillary. «Avant lui, les Sherpas ne nourrissaient aucun dessein de gravir des sommets. Lui, si! » (3). Alors que ses com- patriotes ne comprennent pas l’intérêt des Occidentaux pour l’Everest, moins spirituel à leurs yeux que le mont Kailash (6638 mètres) ou le mont Khumbila (5761 mètres), Tensing se met en tête de l’escalader et de devenir ainsi le premier homme sur le Toit du monde. Un Sherpa, rendez-vous compte! Son exploit sera à l’origine d’une petite révolution dans la vie de sa communauté. Même si les

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