Extrait Sport & Vie

hors-série n o 48 33 cialise. Or c’est contraire à une idéologie d’harmonie où tout doit se faire dans une recherche d’équilibre. Même le dévelop- pement du corps. Pour cette raison, ils condamnent aussi le professionnalisme. On inter- dit les concours de force ou le catch qui avaient conservé une structure professionnelle. Le sport constitue donc un espace de recherche. Notez qu’on retrouve des débats similaires au théâtre, dans la musique ou la peinture. Le mouvement sportif prend un nouveau visage au tournant des années 30. En plus de ses autres missions, il doit servir d’outil à l’unification du pays. A plusieurs reprises, on transforme ainsi des pratiques locales en sport. La lutte par exemple. Au début des années 30, les formes de lutte dif- fèrent selon chaque région. L’Etat prend alors l’initiative de fusionner toutes les variantes et imposer une discipline nouvelle appelée le «sambo» . Il s’agit d’un art martial qui sera ensei- gné aux agents des services secrets comme le taekwondo en Corée ou le krav-maga en Israël. On développe aussi la gymnastique sur le lieu de travail. Tout cela doit être réalisé sans esprit de compétition. une femme de faire du sport en URSS que partout ailleurs dans le monde. En Occident, le développement du sport est très lié à l’histoire militaire. Est-ce également le cas à l’Est? Tout de suite après la Révolution d’oc- tobre, le sport devient un enjeu de politique nationale avec notamment la création d’une institution, dont la mission est clairement définie: elle doit former des jeunes garçons et des jeunes filles suffisamment nombreux et forts pour défendre la Révolution. Cette période connaît son apogée pendant les années de guerre civile. Avec le retour de la paix, la question sportive cesse d’être prioritaire et on assiste à la résurgence d’activités qui existaient sous l’ancien régime comme les combats de catch, les matchs de football, les courses de chevaux, les épreuves de patinage de vitesse. Comment réagissent les dirigeants bolchéviques? Ils sont divisés. Au pouvoir, certains considèrent cela avec bonhomie. On se dit que ces jeux participent à maintenir la population en bonne santé et à l’éloigner de l’alcoolisme et des mœurs dissolues. D’autres sont plus critiques. Ils ambitionnent de construire un homme nouveau et donc jugent sévèrement l’hal- térophilie, la boxe et le football, réputés sports bourgeois. Ces disci- plines exigent en effet qu’on se spé- Peut-on parler de culture sportive en Russie? Disons qu’on n’y trouve pas l’équivalent d’une culture spor- tive telle qu’on la connaît en Angleterre par exemple. En revanche, les différents pou- voirs qui ont dominé le pays se sont servis du sport pour mettre en avant les mérites de telle ou telle discipline qui correspondait aux valeurs que l’on voulait prô- ner. A l’inverse, d’autres étaient bannies. En 1972 par exemple, les autorités soviétiques ont interdit la pratique du yoga et du karaté, presque considérés comme des activités de dissi- dence. La même année, on a aussi interdit aux femmes de prati- quer le hockey sur glace et le football, au principe que ces disciplines étaient dangereuses pour elles. Bien sûr, de telles décisions étaient toujours pré- sentées sous un couvert paternaliste. En réalité, on voulait que le monde sportif donne la priorité aux sports représentés aux Jeux olympiques, ce qui n’était pas le cas de ces deux sports d’équipe (*). Pourtant les pays de l’est étaient plutôt avant-gardistes dans l’accès du sport aux femmes. C’est exact! Dans les années 20, le régime bolchévique encourageait les femmes à pratiquer le sport pour les libérer des carcans de l’ancien régime tsariste alors qu’au même moment, dans les pays occidentaux, on cher- chait plutôt à les en exclure. Dans les années 30 aussi. Le sport devait servir aux femmes afin qu’elles soient plus fortes et en meilleure santé. Et on avait besoin d’elles comme main- d’œuvre pour faire tourner les usines. Tout cela explique que lorsque les Soviétiques renouent avec le mou- vement olympique et décident d’en- voyer une équipe pour participer aux Jeux d’Helsinki en 1952, ils se mettent très vite à dominer les com- pétitions féminines. On peut dire qu’à cette époque, il était plus facile pour (*) Le football féminin fut accueilli dans le programme des Jeux pour la première fois à Atlanta en 1996. Le hockey sur glace féminin fit son entrée deux ans plus tard aux Jeux d’hiver de Nagano. Olga Korbut, dite le «Moineau de Minsk» Les siècles passent, le Sambo reste

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