Extrait Sport & Vie

n o 174 30 MASH aux atermoiements.» Explorons cependant jusqu’à l’absurde les allégations de Juanjo. Par extraordinaire, il serait parvenu à gruger les auto- rités médicales catalanes. Est-il alors possible médicalement de simuler une double opération, prélèvement et implantation, tout en négo- ciant en parallèle l’achat d’un foie sain dont les premiers inté- ressés ignorent l’origine? «Si c’était vrai» reprend le professeur Boleslawski «le personnel médical aurait forcément été complice or j’ose croire que ces gens ont un minimum d’éthique. De plus, s’il s’agit d’un foie de contrebande, il vient probablement d’un autre continent (**) . Or il m’est arrivé de devoir implanter des foies convoyés de l’étranger. D’Europe, en l’occurrence, donc de pas trop loin. Eh bien déjà, la période d’ischémie due au voyage est si longue que la survie du greffon, partant celle du receveur, est mise en jeu. Non, franchement, tout cela me semble foireux, si vous me passez l’expression.» Foireux peut-être mais suffisam- ment pris au sérieux pour avoir détruit la vie de Gérard Armand qui, dans l’histoire, a perdu sa famille, son épouse et bientôt ses amis. «Tout le monde croit que j’ai touché un million d’euros!» confiait-il, désemparé, à L’Equipe le 16 février. Notez que cela serait possible. Bien qu’en Europe, la rétribution d’un don d’organe soit officiellement inter- dite car «c’est beaucoup trop proche du trafic» éclaire notre chirurgien lillois, il est toujours possible de contourner les règles, surtout dans un milieu aussi infla- tionniste que le football. Pour conclure, Emmanuel Boleslawski prodigue un petit conseil à Gérard Armand qui, de son propre aveu, se fait «un tas de films» : «le mieux, si Monsieur Armand veut être sûr qu’il a subi une hépatectomie du lobe droit, est de passer un scanner abdominal, il sera fixé.» Ce que Gérard Armand a fait, d’ailleurs. Verdict? «Oui, j’ai été opéré. On m’a enlevé une partie de mon foie mais je me demande si c’est celle-ci qui a sauvé Eric.» Qu’aurait-on fait alors de «son» lobe? Sans vouloir nous prononcer sur l’issue de l’affaire qui devrait connaître d’autres épisodes, il semble difficile d’échap- per à cette simple vérité: il y a eu greffe d’un lobe de foie depuis Gérard Armand vers Eric Abidal et s’il en est un dans l’histoire qui ne digère plus, c’est Sandro Rosell. FBH (*) Une grosse dizaine par an, pour environ 500 greffes de rein. (**) On soupçonne en effet l’existence en Libye d’un marché clandestin d’or- ganes, des reins en l’occurrence, prélevés sur des candidats à la migration. Ils trouveraient ainsi le moyen de payer leurs passeurs. Il était un (demi-)foie Décidément, la greffe de foie dont a bénéficié l’ancien footballeur international français Eric Abidal fait toujours autant parler (voir MASH du Sport etVie n°170). Rappelons qu’Eric Abidal fut touché en 2011 par une tumeur hépatique suffisamment sérieuse pour qu’on lui recommande une transplantation. En 2012, il reçut un des deux lobes du foie de son cousin Gérard Armand. La greffe fut si réus- sie qu’Eric Abidal put reprendre le jeu, achever sa carrière à l’AS Monaco en 2014 et intégrer ensuite la nouvelle équipe dirigeante du FC Barcelone dirigée par Josep Maria Bartomeu. C’est justement à cause de ses nouvelles fonctions au Barça qu’Eric Abidal a vu l’his- toire de sa greffe répandue sur la place publique. Il faut savoir que Sandro Rosell, président du club l’année où Abidal fut transplanté, déteste Bartomeu, son successeur. Et Rosell a prétendu lors d’une conversation téléphonique que son ancien joueur avait été trompé. Au cours de ce coup de téléphone (enregistré par la police qui, dans une enquête qui n’a rien à voir, soupçonne Rosell de blan- chiment d’argent), on entend l’interlocuteur de l’ancien président ricaner: «on lui [Abidal] a sauvé la vie en faisant croire que c’était le foie de son cousin. Et maintenant, il roule pour Bartomeu!» Entendu par la justice à ce sujet, Rosell a déclaré dénués de fondement les propos de son acolyte, un certain Juanjo. Il n’empêche, voilà que court désormais la rumeur selon laquelle le foie greffé à Eric Abidal aurait été négocié auprès d’un trafiquant d’organes et abso- lument pas prélevé sur Gérard Armand. Cela paraît dingue. Il faut savoir que si en France, on ne pratique quasiment plus de greffes de foie à partir d’un donneur vivant (*) depuis que deux donneurs décédèrent des suites de l’intervention, cette opération est plus fréquente en Espagne. Une telle escroquerie est-elle possible pour autant? Nous avons posé la question à Emmanuel Boleslawski, professeur en chirurgie au CHU de Lille et spécialisé dans les greffes de foie. «La greffe du foie est la mieux acceptée par le corps humain» répond-il d’abord . «Le traitement immunosuppresseur qui suit sera moindre, par exemple, ce qui autorise la reprise du sport de haut niveau. Autre caractéristique, on peut y procéder à partir d’un donneur vivant car l’organe entier n’est pas forcément nécessaire, un lobe suffit. Le droit si le receveur est adulte, le gauche s’il s’agit d’un enfant.» En l’occurrence, Eric Abidal doit avoir reçu le lobe droit de son cou- sin. Et bien que cette intervention spé- cifique soit donc très rare en France où l’on privilégie la greffe de foie depuis un donneur décédé (une centaine par an rien qu’au CHU de Lille), elle existe et son cadre légal est ultra rigide, explique Emmanuel Boleslawski: «le donneur doit être parfaitement identi- fié, il subit un tas d’examens. De plus, à moins qu’il s’agisse d’un don d’organe de parent à enfant, donneur et receveur sont enten- dus par le président du tribunal de grande instance pour authen- tifier le cas échéant le lien de parenté et vérifier que le donneur est consentant, qu’il n’a pas subi de pression, etc. Une audition du couple donneur/receveur par un comité d’experts de l’Agence de biomédecine est également requise. Cela ne laisse pas de place Pas à vendre Abidal, lobe story

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