Extrait Sport & Vie

n o 167 31 La révolution du genou Le 26 octobre dernier, le footballeur néerlandais Rick Karsdorp est devenu le 14 e joueur de l’AS Roma en trois ans à avoir été victime d’une rupture des ligaments croisés! Bien sûr, cette hécatombe prête à toutes sortes de commentaires malveillants d’où il ressort que les pré- parateurs physiques du club sont des nazes. Nous ne connaissons rien de leurs compétences et de leurs méthodes. Pourtant, nous sommes prêts à parier qu’ils ne sont pour rien dans cette série noire. Plus que vraisemblablement, il s’agit d’une combinaison d’événements fortuits qui illustrent l’augmentation spectaculaire de ce type de blessure au sein de la gent sportive. Toutes disciplines confondues. La rupture du ligament croisé antéro-externe (LCA) est un classique dans le football, mais aussi dans le rugby. Chaque week-end ou presque, un joueur Top 14 doit quitter le terrain avec un genou en vrac. Dans le ski, n’en par- lons pas. La moitié des membres de l’équipe de France de ski alpin sont déjà passés au moins une fois sur le billard. Même chose en bas- ket, volley, hand ou en tennis (NB: où il arrive qu’on se réceptionne mal après un smash). En quelques décennies, cette lésion est devenue LA hantise des sportifs de tous niveaux. Il faut dire que la chirurgie est lourde. La rééducation, longue. Et le résultat pas toujours à la hauteur des espérances. Sa prise pose aussi une série de dilemmes. En général, on opère si le sujet est jeune et actif et qu’il ambitionne de poursuivre sa carrière au même niveau d’excellence. Zlatan Ibrahimovic, par exemple. Avec les sujets plus âgés, on est moins catégorique. Il arrive ainsi qu’on renonce à la chirurgie en recommandant plutôt un gros tra- vail de rééducation pour limiter le risque de récidive. Vous connaissez le débat. Cela fait des années que les experts discutent des avantages respectifs de l’une ou l’autre option. Dans le cas où l’on opte pour la chirurgie, de nouvelles possibilités sont sur la table. Ainsi le profes- seur Jean-Henri Jaeger préconise d’opérer très vite après l’accident (*). Il prétend qu’on ne court aucun risque à gagner du temps alors qu’auparavant on recommandait d’attendre que le genou se remette de la phase inflammatoire avant d’intervenir. Il faut aussi choisir entre les nombreux types d’interventions: Kenneth Jones simple, Kenneth Jones modifié, DIDT SAMBA, DT4 greffe courte, etc. Bref, les spécia- listes du genou ne sont pas d’accord sur grand-chose. Sauf peut-être sur l’impossibilité de réparer directement le ligament, ce qui oblige à procéder à une plastie, c’est-à-dire à un prélèvement de tissus sur le patient lui-même, tissus avec lesquels on confectionne un nouveau ligament. Ensuite on creuse un tunnel dans l’os pour passer ce nou- veau ligament et l’arrimer à la fois au fémur et au tibia. Une drôle d’af- faire, tout de même! L’inclinaison de ce tunnel doit être parfaitement maitrisée, au degré près, de façon à ce que ce néo-ligament soit par- faitement tendu: ni trop serré (sans quoi il casserait à la première sol- licitation) ni trop lâche (sinon il ne sert à rien). Exécutée par des mains expertes, cette opération donne généralement de bons résultats. Les statistiques montrent en effet que le sportif retrouve dans 63% des cas le niveau qui était le sien avant l’accident (1). Bien sûr, on peut essayer de faire plus court. Restent néanmoins des effets secondaires embêtants comme l’apparition presque systématique d’arthrose après quelques années et la sensation pour le patient de plus de 25 ans que le genou opéré n’est «plus vraiment comme avant» . A ce stade, le lec- teur curieux s’interroge sûrement sur les causes de cette incapacité du ligament croisé à se réparer tout seul. Les autres le font bien! Lors- qu’on se rompt les ligaments d’une cheville par exemple, il suffit d’at- MASH Rubrique médicale réalisée par le docteur Christian Daulouède Rick Karsdorp, la chute de Rome Pourvu que ça tienne!

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