Extrait Sport & Vie

n o 167 30 RENCONTRE monter la fréquence cardiaque. Per- sonnellement, j’oscille alors entre 170 et 175 pulsations/minute. Les exercices diffèrent donc totalement selon qu’on travaille le haut ou le bas du corps. J’imagine que chaque spécialiste du combiné nordique doit préférer une discipline à l’autre. Pas forcément. Personnellement, je me sens autant attaché aux deux. Elles s’équilibrent dans ma vie. Le saut, c’est de l’adrénaline à l’état pur. On agit d’instinct. Ensuite, chaque saut est analysé et commenté avec les entraî- neurs. Par comparaison, le ski de fond est beaucoup plus contemplatif. On se retrouve en pleine nature. Souvent seul. Par moment, c’est magique. Puis le rapport à la douleur change du tout au tout. Elle est présente dans le ski de fond. Omniprésente même! Alors qu’en saut, c’est le contraire. Les meil- leurs résultats coïncident souvent avec l’impression que tout est facile. Propos recueillis par Eliott Monod. (*) Pour améliorer la portance, les concurrents enfilaient souvent des combinaisons trop grandes et étanches au passage de l’air, ce qui faisait un «effet de voile» . Les règlements ont été adaptés de façon à ce que la taille des tenues ne dépasse pas celle des sauteurs de plus de 1,5 centimètre et que les textiles répondent à un critère de porosité (40 litres d’air par centimètre carré au minimum). Quel genre d’exercice en salle faites-vous? On fait beaucoup de squats pour ren- forcer les quadriceps impliqués dans le mouvement du saut. On alterne avec des exercices stato-dynamiques où on travaille la détente mais en par- tant d’une positionbasse. On enchaîne avec de la pliométrie pour travailler les qualités de pied. En revanche, on fait rarement de l’excentrique pour ne pas trop traumatiser les fibres. Pour les bras, c’est très différent. On ne travaille pratiquement jamais avec des charges lourdes. Par peur de prendre du poids. On fait plutôt de l’endurance-force avec des charges plus légères que l’on soulève un grand nombre de fois sur des séquences de 45 secondes en faisant forcément L’entraînement de sauteur est-il compatible avec celui de skieur de fond? Absolument pas. Le ski de fond et le saut impliquent desqualitésphysiques aux antipodes l’une de l’autre. Dans le premier cas, il faut de l’endurance. On sollicite des filières aérobies de pro- duction d’énergie. Pour les dévelop- per, on fait du travail au seuil et des séances de fractionné dont on sort complètement «rincé» . Pour le saut à ski, au contraire, il faut un maximum de fraîcheur et d’explosivité. C’est un travail purement anaérobie où on développe un maximum de puissance en un temps très court, de l’ordre d’un dixième de seconde à peine. A présent qu’on conseille aux fondeurs de soulever de la fonte eux aussi, cela doit vous simplifier la tâche, non? Pas vraiment. Pour comprendre le problème auquel nous sommes confrontés, il suffit de voir le physique des spécialistes de l’une et l’autre dis- cipline. Les sauteurs sont le plus léger possible et ils font tout pour flotter au mieux dans les airs. Y compris des trucs interdits (*). Par comparaison, les fondeurs sont plus balèzes. Surtout au niveau des bras! Les spécialistes du combiné doivent donc trouver le bon compromis. Un casse-tête pour nos préparateurs physiques (rires). Le «mariage de la carpe et du lapin» désigne une association impossible, par exemple entre le ski de fond et le saut à ski. Ces disciplines sont l’exact contraire l’une de l’autre. Alors comment font les adeptes du combiné nordique? En mars 2015, Jason Lamy-Chappuis annonçait qu’il se retirait du circuit pour se consacrer à sa formation de pilote d’avion. La passion couvait toujours et il est donc revenu aux affaires cet hiver en participant aux épreuves de combiné nordique de la Coupe du monde et des Jeux olympiques de Pyeongchang. A 31 ans, il est un peu rentré dans le rang, lui qui compte 26 victoires dans les épreuves individuelles de sa spécialité et une médaille d’or aux JO de Vancouver en 2010. Un record mais qu’importe. L’amour du sport ne se résume pas à l’ivresse des podiums. En combiné nordique, il résulte aussi de la complexité de la tâche demandée et de l’ingéniosité nécessaire pour améliorer un type de performance sans amoindrir l’autre. La carpe et le lapin Jason Lamy-Chappuis, l’ex-roi de la combine

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