Extrait L'Objet d'Art

HORS-SÉRIE L’OBJET D’ART 37 et le tourisme : les militaires « pacifient » de nouvelles zones qu’ils rendent accessibles aux artistes et scientifiques en les sécurisant et en bâtissant des infrastructures. Ces derniers œuvrent à la promotion et à la protection des kasbahs et des ksours, attirant ainsi des touristes. La particularité de Delaye est qu’il intervient à di!érentes étapes du proces- sus. En tant que militaire topographe, il découvre et crée de nouvelles voies de passage ; en tant qu’illustrateur, il parti- cipe à la construction des connaissances sur l’architecture berbère, à la formation du topos de la kasbah marocaine et à son attractivité touristique. Au service de la promotion touristique Cette quête d’authenticité et de folklore est aussi celle des touristes européens. Le gouvernement colonial encourage leur venue grâce à la création, dès 1918, d’un Comité central du tourisme. Avec d’autres artistes, Delaye est sollicité pour promouvoir le pro- tectorat : s’il ne réalise pas d’a#ches touristiques sur les kasbahs, au contraire de Jacques Majorelle et Robert Génicot, il publie des illustrations dans des revues comme La Vie marocaine illustrée , le journal o#ciel de la fédération des syndicats d’initiative et de tourisme du Maroc. La participation des artistes à la mise en tourisme du protectorat est clairement sou- haitée par Hubert Lyautey, premier résident général au Maroc (1912-1925). Dans ses Souvenirs du Maroc , le peintre Marcel Vicaire rapporte les propos que le maréchal lui confie : « où vient un peintre, vient un tou- riste ; où vient un touriste, vient un homme d’a!aire ». Des liens existent donc entre l’avancée de la conquête du Maroc, la valorisation des monuments indigènes Devant nous, l’étrange et formidable silhouette des casbahs de Taourirt s’estompait sur les rides bleutées du Tifernine ; puis au fur et à mesure de notre marche apparaissaient, peu à peu, les grandes tours bandées de blanc, crénelées de dents polyédriques, les corps de logis massifs juxtaposés, ceinturés d’enceintes concentriques. Théophile-Jean Delaye, « De l’Atlas à la vallée du Dra », Revue de géographie marocaine , 1938. Planche documentaire sur le village de Kelâat M’Gouna, s.d. Photographies contrecollées sur carton enluminé, 32,5 x 25,6 cm. Collection privée © Musée de Valence, photo Cédric Prat – Studio l’Œil Écoute bâtiments indigènes, de leur protection et de leur restauration. Animé par la volonté de sauver un patrimoine qu’il pressent en voie de disparaître, Terrasse entreprend plusieurs actions pour faire connaître et protéger les kasbahs et les ksours du Sud marocain. Afin de plaider sa cause auprès des hautes sphères, il a l’idée de publier en 1938 Kasbas berbères de l’Atlas et des oasis , un ouvrage à mi-chemin entre le livre d’art et l’essai archéologique. En pendant de très belles photographies, Delaye réalise les bandeaux, cul-de-lampe et des annexes (relevés des motifs décoratifs des architectures berbères), contribuant ainsi à donner un cachet artistique au livre.

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