Extrait L'Objet d'Art

Vous vous attachez au contraire à montrer la complexité de l’homme, et sa cohérence. S. G. : En effet, la contradiction ou la versatilité que semblent présenter ses écrits critiques ne sont qu’appa- rentes. L’homme qui a adulé Degas ne se renie pas en devenant le chantre du symbolisme. A. G. : Ainsi, la manière même dont Huysmans prépare ses critiques, prenant des notes devant les tab- leaux, conservant toujours un vrai goût pour la documentation – des aspects sur lesquels l’exposition insiste en présentant plusieurs manus- crits prêtés par la Bibliothèque nationale de France et par la Biblio- thèque de l’Arsenal – atteste bien qu’il n’a jamais réellement rompu avec la démarche de Zola ou des frères Goncourt. Il ne commente pas ses visites des Salons et des musées en tant que journaliste ou chroniqueur, mais bien en tant qu’écrivain. S. G. : Il ne faut pas opposer le Huysmans naturaliste au Huysmans symboliste, mais comprendre qu’ils se réconcilient dans le troisième et dernier moment, lorsque l’écrivain découvre la peinture des Primitifs. La peinture des Primitifs représente donc pour l’écrivain, à la fin de sa vie, l’art idéal. A. G. : Oui, et particulièrement la pein- ture médiévale du Nord, car Huysmans était originaire de Hollande par son père (sa première passion est pour le Siècle d’or de Rembrandt). En 1888, alors qu’il se rend à Cologne, il est en- thousiasmé par les retables de la ca- thédrale. Puis il voyage avec son ami Arij Prins dans le nord de l’Allemagne, avant de connaître un grand choc, on peut même dire une révélation devant la Crucifixion de Matthias Grünewald à Cassel (aujourd’hui à Karlsruhe). S. G. : Grünewald – dont le retable d’Issenheim est reproduit – lui apparaît comme l’artiste suprême, absolument complet, qui sait réunir en une même peinture à la fois le réalisme exacerbé et la spiritualité la plus élevée. Quand on lit Trois Primitifs , son dernier ou- vrage de critique d’art, en 1905, on re- marque que le vocabulaire qu’il utilise pour décrire ce retable conservé à Colmar est très comparable à celui qu’il employait pour commenter les pein- tures de Degas quelque vingt ans plus tôt. Mais l’Allemand exprime en plus la souffrance intérieure et le christianisme qui lui est devenu si capital. HUYSMANS I HORS-SÉRIE L’OBJET D’ART / 7 Pierre Puvis de Chavannes, Jeunes filles au bord de la mer , 1879 Huile sur toile, 205,4 x 156 cm Paris, musée d’Orsay Photo service de presse © RMN (musée d’Orsay) – H. Lewandowski « C’est l’occasion de confronter Bouguereau et Puvis de Chavannes, qu’il n’appréciait guère, avec les impressionnistes, qui lui semblent plus intéressants. »

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