Extrait L'Objet d'Art

est vrai que son œuvre comme son parcours peuvent susciter au- jourd’hui des échos singuliers et fasciner – son aspiration au spirituel, à la religion, tout en restant au contact de la société (Huysmans fut oblat)… S. G. : J’ajouterais que si Huysmans n’est certes pas ce qu’on appelle un auteur populaire, son chef-d’œuvre À rebours n’a cessé de compter et compte encore beaucoup pour les jeunes gens et les artistes. C’est un roman qui laisse une impression très forte à quiconque le lit. Pouvez-vous nous décrire le parcours de l’exposition ? S. G. : Une première séquence est consacrée aux années 1876-1883, celles où Huysmans, dans le sillage de Zola, rend compte aussi bien des Salons officiels que des expositions indépendantes. C’est l’occasion de confronter la Vénus de Bouguereau et les Jeunes filles au bord de la mer de Puvis de Chavannes, deux artistes qu’il n’appréciait guère, avec les ta- bleaux contemporains présentés par les impressionnistes, qui lui semblent plus intéressants – notamment ceux de Degas, sans aucun doute l’un des peintres qu’il a le plus aimés. Vient ensuite le second moment, durant lequel Huysmans se tourne vers ceux qu’il appelle les peintres du rêve, au premier chef Gustave Moreau et Odilon Redon. Il traverse alors une phase déca- dente, parfaitement illustrée par des Esseintes, le héros d’ À rebours . A. G. : Le roman de 1884 a d’ailleurs été central dans la conception de l’exposition, puisqu’un objet inspiré d’ À rebours a été expressément réalisé par l’artiste italien Francesco Vezzoli. S. G. : Tout à fait, Francesco Vezzoli, chargé de la scénographie, a choisi de proposer sa propre vision de la fameuse tortue que des Esseintes, à l’image du comte de Montesquiou, sertit de pierres précieuses. En l’invitant à intervenir, nous avons non seulement souhaité permettre une meilleure connaissance de l’œuvre de Huysmans, mais aussi en donner à voir l’une des postérités possibles dans l’art d’aujourd’hui. A. G. : Vient enfin la dernière période, quand l’écrivain se convertit au catho- licisme au début des années 1890. Esthétiquement, mais aussi spirituel- lement, ce sont les Primitifs qui incarnent désormais pour lui l’idéal à atteindre. Le parcours est donc chro- nologique, mais il ne doit pas être compris comme la juxtaposition de différents Huysmans antagonistes les uns des autres. 6 / L’OBJET D’ART HORS-SÉRIE I HUYSMANS ENTRETIEN avec les commissaires d’exposition Eva Gonzalèz, Une loge aux Italiens , vers 1874. Huile sur toile, 97,7 x 130 cm Paris, musée d’Orsay © RMN (musée d’Orsay) – H. Lewandowski

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