Extrait L'Objet d'Art

L’OBJET D’ART HORS-SÉRIE 7 humaine de la fin du XIX e siècle. Elle est beaucoup plus humaine et intime que le naturalisme officiel ou le sym- bolisme, parce qu’elle aborde le monde contemporain avec une certaine bien- veillance, une certaine mansuétude. Il ne juge pas, il montre les choses. Cela ne fait d’ailleurs qu’augmenter ce que cette peinture avait de scandaleux aux yeux des contemporains : au lieu de proposer une image qui porte- rait une certaine condamnation de la prostitution ou des maisons closes par exemple, il peint ces femmes avec une grande dignité, voire une étrange so- lennité. Il ne montre jamais l’acte sexuel mais les prostituées entre elles, en train de partager leurs repas, d’attendre le client ou la visite médicale, etc. Il n’est jamais sarcastique, même lorsqu’il in- troduit un peu d’humour. Une section importante de l’expo- sition est consacrée aux liens entre Lautrec et le monde de la littérature. SG – Effectivement. Pendant long- temps, les historiens n’ont pas asso- cié Lautrec à la littérature, car on ne considérait que les grands auteurs de la fin du XIX e siècle – Zola, Mallarmé, Verlaine. Or Lautrec lit et fréquente d’autres écrivains, que l’on avait ou- bliés, mais qui font désormais l’objet de nouvelles études, comme Jean de Tinan et Victor Joze. Lautrec prolonge ainsi la tradition du peintre lettré. Cette exposition est organisée avec le concours exceptionnel de la Bi- bliothèque nationale de France, qui conserve un fonds très important de lithographies de Lautrec. Quelle place occupent-elles dans son œuvre ? DD – Lautrec n’établit pas de hiérarchie entre les modes d’expression qu’il uti- lise. Quand il participe à de grandes expositions d’avant-garde, il montre aussi bien une affiche qu’un tableau. C’est un maître lithographe, il maîtrise brillamment cette technique. Son sens du trait et de la ligne y apparaît claire- ment, il joue de la puissance des aplats de couleurs. Cette virtuosité technique est servie par son imagination chargée de poésie. n Lautrec a été capable, du début à la fin, d’ OBÉIR À SA FANTAISIE et de ne pas s’enfermer dans un style unique. STÉPHANE GUÉGAN. « » P. Sescau photographe , 1896 Affiche, lithographie en couleurs, pinceau, crayon et crachis, 60 × 80 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie © BnF

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz