Extrait L'Objet d'Art

L’OBJET D’ART 41 Les cinq principes d’Aurier D’un point de vue théorique, cette nouvelle manière de peindre qui émerge principalement sous les pinceaux de Bernard et de Gauguin entre 1887 et 1888 fut plus tard désignée sous le terme de « symbolisme » par le critique d’art Gabriel-Albert Aurier. Pour la nouvelle génération des critiques et des poètes, l’heure n’est plus à la description analytique du milieu ainsi que le préconisait Zola, mais à la prédominance de l’idée sur la matière, du symbole face au réel. Or, comme le naturalisme l’avait fait avec l’impressionnisme, le symbo- lisme littéraire – fondé officiellement en 1886 avec la publication du manifeste de Jean Moréas – cherche à s’appuyer sur une nouvelle école picturale pour faire triompher sa propre esthétique. Dans cet ordre d’idée, Aurier élit le peintre de La Vision du sermon comme nouveau chef d’école en mars 1891 lorsqu’il publie son article « Paul Gauguin et le symbolisme en peinture » dans les pages du Mercure de France . Considéré par certains comme une mainmise littéraire sur ce que Bernard appelait alors le « synthétisme » et Denis le « néo-traditionnisme », l’article d’Aurier avait le mérite de donner une définition claire de cette tendance picturale nouvelle. Pour le cri- tique, la peinture symboliste – et plus particulièrement celle de Gauguin – obéit à cinq principes. Elle doit être idéiste car elle doit exprimer une idée ; symboliste car l’idée doit être véhiculée par la forme ; synthétique car la forme devra être simplifiée pour être facilement compréhensible ; subjective car l’artiste propose une interprétation du sujet et enfin décorative car la couleur et la forme priment désormais sur le sujet. LE CHAUD ET LE FROID Réalisée en 1921, cette étude est contemporaine de la publi- cation de l’ ABC de la peinture , un livre dans lequel Sérusier expose ses réflexions sur l’em- ploi des couleurs. À l’exemple de Goethe qui avait retenu le bleu et le jaune comme couleurs fondamentales dans son Traité des couleurs (1810) pour symboliser le chaud et le froid, Sérusier propose d’envi- sager la gamme chromatique en deux grandes familles dis- sonantes, étagées de part et d’autre d’une ligne médiane. Adhérant de la sorte à la théorie des contraires, Sérusier préconisait de travailler avec deux palettes différentes – une « froide » et une « chaude » – et d’étudier les effets de rapprochements de tons opposés pour créer des « dissonances ». Paul Sérusier, Dissonance froide et Dissonance chaude , vers 1921 Huile sur toile, 29,3 x 39,7 cm. Saint-Germain-en-Laye, musée départemental Maurice Denis. Photo service de presse © D.R.

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