Extrait L'Objet d'Art

40 L’OBJET D’ART hors-série l n°133 Une théorie « contraire » « Quel éblouissement d’abord et ensuite quelles révé- lations », écrivait Maurice Denis lorsqu’il se souvint de la première fois où il découvrit les œuvres de Gauguin, de Bernard et des autres peintres du groupe de Pont-Aven au Café des arts en 1889 : « Au lieu de fenêtres ouvertes sur la nature, comme les tableaux des impressionnistes, c’étaient des surfaces lourdement décoratives, puissamment coloriées et cernées d’un trait brutal, cloisonnées [...]. » Alors que l’impressionnisme et le néo-impressionnisme développaient une touche fine et fragmentée fondée sur la juxtaposition des teintes pour atteindre un maximum d’intensité vibratoire, la nouvelle génération des Nabis emmenée par Denis et Sérusier adhère à une théorie « contraire » – pour reprendre les termes d’Émile Bernard – en proposant un élargissement de la surface colorée ainsi qu’une simplification des formes désormais « cloisonnées » par un cerne épais. Délaissant l’approche rétinienne des impressionnistes, ils optent à la suite de Gauguin pour une traduction mentale de la nature, à l’aide de valeurs non mimétiques et d’un dessin simplifié. Formes et couleurs sont ainsi réduites à l’essentiel. Techniquement, le synthé- tisme se distingue donc par l’emploi de couleurs vives appliquées en aplat, sans modelé ou presque ; par l’aboli- tion de la perspective traditionnelle ; par la recherche d’une ligne décorative venant simplifier les figures et la nature et les soumettant à la logique ornementale de l’arabesque ; par l’utilisation d’un cerne bleu ou noir cloisonnant les surfaces colorées à l’exemple des vitraux d’église. une prophétie de la couleur Georges Lacombe, Marine bleue, effet de vagues , vers 1893 Peinture à l’œuf sur toile, 49 x 64,5 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts Photo service de presse © MBA Rennes, dist. RMN – J.-M. Salingue

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