Extrait L'Objet d'Art - Hors-série n°130

Miró était un homme trop libre pour se laisser assujettir aux règles d’un groupe Miró disait toujours qu’un rien le faisait rêver, qu’il ne rêvait jamais la nuit mais seulement devant ses œuvres et qu’un grain de sable ou un rai de lumière suffisait à lui provoquer quelque chose d’étonnant. Et c’était vrai. Ce bleu qui n’appartient qu’à lui trouve son accomplissement avec les trois Bleu monu- mentaux des années 60. L’atelier de Palma de Majorque imaginé par son ami Josep Lluís Sert en 1956, face à la Méditerranée, lui per- met alors de concrétiser ces grands formats si longtemps médités. Vous insistez beaucoup sur la géné- rosité de Miró. Est-ce cette générosité qui l’a fait côtoyer des créateurs si différents, dans tous les domaines ? Miró interroge toutes les formes artistiques, la musique, la poésie, tout ce qui lui semble parfaitement traduire quelque chose qui n’ap- partient pas à son domaine mais dont il peut se rapprocher. Lorsqu’il s’installe rue Blomet dans le 15 e à Paris, il côtoie André Masson, André Breton, se lie avec le mouvement sur- réaliste sans y adhérer tout à fait car Miró était un homme trop libre pour se laisser assujettir aux règles d’un groupe. Il collabore avec des personnalités aussi différentes que René Char, Octavio Paz, Tristan Tzara, Raymond Queneau, Michel Leiris, Jacques Prévert et tant d’autres... Jeme souviens aussi d’un spectacle étonnant, Mori el Marma que j’avais présenté à Saint-Paul à la fin des années 70. La troupe de la Claca s’était associée à Miró qui avait imaginé, conçu et peint les décors, les cos- tumes, des masques et des marionnettes géantes faites de chiffons, de tissus, de draps, d’objets hétéroclites accumulés. Quant à la musique, c’était une sorte de sarabande de bruits incroyables. Ce spectacle fut d’abord donné au Centre Pompidou mais sur une scène assez conventionnelle, à l’italienne. Puis ils ont joué pendant unmois à Saint-Paul dans le labyrinthe de Miró où ils apparaissaient au détour d’un bassin près d’une sculpture avec laquelle ils jouaient littéralement. C’était d’une beauté aléatoire, sorte de chaos généreux qui montrait à quel point Miró échappait aux conventions. n Femmes et oiseau dans la nuit , 1947 . Huile sur toile , 73 x 92 cm. New York, Calder Foundation. Photo service de presse / Calder Foundation, New York / Art Resource, NY. 7 MIRÓ HORS - SÉRIE L’OBJET D’ART

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