Extrait L'Objet d'Art

6 L’OBJET D’ART JANVIER 2021 LE MONDE ENCHANTÉ DE VICTOR BRAUNER Artiste protéiforme originaire de Roumanie, Victor Brauner (1903-1966) est à l’honneur au Musée d’Art Moderne de Paris, qui consacre une rétrospective à ce maître du rêve, ancré dans le surréalisme. À travers plus d’une centaine de pièces, le fil chronologique de l’exposition permet de saisir toute la subtilité et la singularité de l’œuvre de Victor Brauner qui s’est constitué une cosmogonie mêlant de multiples influences, de sa propre biographie à l’art de la Mésoamérique ou aux symboles ésotériques de la Kabbale. Aux portes du surréalisme Formé à l’École d’art de Bucarest, Brauner rencontre les artistes Robert Delaunay et Marc Chagall, demême que le poète Claude Sernet lors de son premier séjour parisien, en 1925-1926. En 1930-1935, durant son deuxième séjour à Paris, avant de s’y installer en 1938, il se rapproche de Brancusi, Giacometti ou Yves Tanguy et fait la connaissance d’André Breton en 1933. Il adhère alors au surréalisme jusqu’à son exclusion du groupe en 1948. Il le réintègre en 1959 et participe à l’Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme (EROS). Le parcours présente tout d’abord la spécificité de l’œuvre de Brauner, aux accents visionnaires. Dans le petit Autoportrait de 1931, il se repré- sente ainsi énucléé, cherchant à le rendre « extravagant ». Or, en 1938, il perd accidentellement son œil gauche. Comme l’explique Camille Morando, commissaire de l’exposition avec Sophie Krebs et Jeanne Brun, « Brauner considéra ce tableau comme un “document” ». Cet accident et ce don de prémonition supposé transforment la perception de son œuvre, entrant en résonance avec les théories surréalistes. Magie et envoûtement seront désormais en action. Brauner est également particulièrement sensible au climat politique européen, s’inquiétant de la montée des fascistes. La figure de l’op- presseur est récurrente dans sonœuvre. En 1933, sa première contri- bution au groupe surréaliste est un dessin pour le recueil collectif des surréalistes consacré à la parricide Violette Nozière. L’année suivante, Force de concentration de Monsieur K. condense tous les visages de l’oppression, à travers la figure du militaire, du dictateur. Figures de guerre Durant la guerre, Brauner doit se cacher. Il est juif, farouchement opposé aux fascismes. Il part pour le Sud de la France où il vit dans un grand dénuement. Il cherche alors refuge dans les doctrines se- crètes, puisant dans le spiritisme, dans la Kabbale et créant ses propres protections symboliques. Sont exposés ses étonnants objets de contre-envoûtement, qu’il désigne comme des « objets conjura- toires » destinés à le protéger. Quatre objets de 1943 ont été conser- vés, Brauner les avait auprès de lui dans son atelier. Sous la forme d’une boîte vitrée, renvoyant aux arts populaires, ils sont constitués Force de concentration de Monsieur K. , 1934. Celluloïd, fil de fer, huile sur toile, 148,5 x 295 cm. Photo service de presse. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI © Adagp, Paris, 2021 EXPOSITIONS

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