Extrait L'Objet d'Art

76 L’OBJET D’ART MAI 2020 consacrés à l’écriture semultiplièrent. Le bonheur-du-jour, petit secrétaire de dame, fut créé ; cette pièce élégante, fonction- nelle, intimiste, répondait à toutes les exi- gences d’une vie moderne. À l’époque, la menuiserie et l’ébénisterie étaient des domaines très développés grâce à la rigueur du système corporatif qui garantissait la qualité de la produc- tion, à l’apparition d’essences de bois exo- tiques rapportés au cours des voyages maritimes, mais aussi à l’arrivée d’ébé- nistes étrangers à Paris ; venus des Pays- Bas et d’Allemagne, ils étaient attirés par le prestige et la qualité du mobilier français. Loin de créer leur propre style, ces artisans virtuoses, pourvus de solides connaissances techniques, assimilèrent le goût français. Un véritable style national se mit en place, qui s’imposa dans toute l’Europe. Le meuble avait une fonction spécifique et il se devait d’être esthétique. Son créateur, qu’il fût architecte, ornemaniste ou artisan qualifié, en cherchant à répondre aux exigences de sa clientèle, annonçait le début du design mo- derne. L’élaboration d’une pièce de mobilier au XVIII e siècle était complexe. Elle débutait par une idée, qui était d’abord transposée sur le papier, puis dans le bois brut sous sa forme la plus élémen- taire, avant sa matérialisation. Au commencement : le dessin Le point de départ d’un meuble c’est le dessin. En ef- fet, architectes et artistes avaient un rôle prépondérant dans le processus de création, car en tant que concep- teurs de l’ensemble de la décoration des espaces in- térieurs, ils imaginaient aussi le mobilier, les bronzes, les textiles... Il leur incombait donc de dessiner les meubles, qui étaient ensuite transposés en plans avec toutes les caractéristiques techniques par les menui- siers. Les marchands merciers étaient fréquemment à l’ori- gine d’un nouveau modèle, parfois pour honorer une commande, ils demandaient alors à un dessinateur de transposer leurs idées sur le papier. Tout au long de ce processus, l’artisan qualifié était indispensable. Malheureusement, peu de ces dessins sont parvenus jusqu’à nous et ceux qui existent correspondent rare- ment à des meubles identifiés. Martin Carlin (1730-1785) et Charles-Nicolas Dodin (1734-1803), table à écrire, Paris, vers 1772. Bâti de chêne, placage et marqueterie de sycomore, bois satiné, ébène et buis, plaques de porcelaine de Sèvres, bronzes ciselés et dorés, velours. Cette pièce aurait été commandée par madame du Barry à Simon-Philippe Poirier, célèbre mar- chand-mercier particulièrement attentif aux aspirations d’une clientèle en mal de nouveautés. Il lance la mode des meubles décorés de plaques de porcelaine de Sèvres. Carlin, l’un des plus prestigieux ébénistes de l’époque, a essentiellement travaillé pour ce marchand et il s’est spécialisé dans ce type de meubles. Ces plaques de porcelaine, au thème exotique, sont signées de Dodin, fameux peintre de figures de la Manufacture de Sèvres, qui a créé de nombreuses plaques destinées à la décoration de meubles et d’instruments scientifiques.

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