Extrait L'Objet d'Art

75 MAI 2020 L’OBJET D’ART E ntre la fin du règne de Louis XIV et la Révolu- tion, une conjoncture particulièrement favo- rable permit au mobilier français de se déve- lopper de façon unique. Dès la fin du siècle précédent, l’amorce d’une libéralisation des mœurs avait entraîné un changement dans les rapports entre les individus, qui trouva rapidement un écho dans l’aménagement des intérieurs. Stabilité politique et prospérité économique donnèrent naissance à une élite recherchant l’esthétique tout autant que le luxe et le confort. Celle-ci souhaitait renouveler son cadre de vie en l’adaptant aux nouvelles mentalités ; le mobilier épousa ces transformations en se diversifiant. Face à ces enjeux, les menuisiers et ébénistes firent évoluer leurs pratiques pour mettre au point des solutions tech- niques et esthétiques inédites. DUMOBILIER L’ÂGE D’OR FRANÇAIS Le XVIII e siècle marque l’âge d’or du mobilier français. Menuisiers et ébénistes portèrent ce domaine à un degré technique et esthétique éblouissant en suivant les variations du goût et les désirs d’une clientèle exigeante et les pro- positions souvent très créatives des marchands merciers. Les chefs-d’œuvre de Charles Cressent, Jean-François Oeben, Jean-Henri Riesener ou encore Martin Carlin, emblématiques des collections du musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne, illustrent à merveille ce moment de perfection de l’art français. / Par Clara Serra, conservatrice du département mobilier du musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne « Marchands de tout et faiseurs de rien » Dans ce processus, les marchands merciers, intermé- diaires entre les artisans et leurs clients, jouèrent un rôle indispensable. C’est à eux que l’on doit l’introduction de certaines nouveautés, comme les meubles revêtus de plaques de porcelaine et de tels panneaux. L’utilisa- tion de panneaux de laque illustre le goût de l’exotisme qui était en vogue à l’époque, enmême temps que la re- cherche du luxe et du raffinement d’une clientèle prête à payer des sommes élevées pour satisfaire ses aspira- tions. Les marchands merciers cherchèrent à anticiper leurs envies en stimulant la créativité des artistes qui devinrent alors d’authentiques influenceurs du goût. De nouveaux types de meubles firent ainsi leur ap- parition, tandis que ceux existants furent réinterpré- tés (tables, commodes et secrétaires). Les meubles Toutes les œuvres reproduites au sein de cet article proviennent du musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne et portent la mention © Fundação Calouste Gulbenkian, Lisboa, Museu Calouste Gulbenkian – Coleção do Fundador DE L’ATELIER AU PALAIS Le plateau de la table à écrire de Martin Carlin et Charles- Nicolas Dodin, reproduite p. 76. Cette plaque reproduit une gravure de René Gaillard, La Diseuse de bonne aventure russienne , d’après un tableau de Jean-Baptiste Le Prince (1734-1781). ARTS DÉCORATIFS

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