Extrait L'Objet d'Art

5 FÉVRIER 2020 L’OBJET D’ART Un artiste incompris ? Tout au long de sa carrière, Otto Wagner a participé inlassablement à de nombreux concours. En vain, car ses propositions sont trop auda- cieuses et on leur préfère des édifices aux allures de palais baroques, de temples grecs ou de théâtres italiens. Pour la seule ville de Vienne, il conçoit des dizaines de projets jamais réalisés ! Citons le musée municipal Kaiser-Franz-Josef, l’Académie des beaux-arts, l’église des Capucins, le ministère de la Guerre... Particulièrement soignées, ces feuilles aquarellées conservées pour l’essentiel par le Wien Museum révèlent ses talents de dessinateur hors pair. Trop visionnaire, sans doute, mais loin d’être un artiste maudit pour autant, OttoWagner gagne confortablement sa vie grâce à la construc- tion d’immeubles de rapport dont il est lui-même le plus souvent le commanditaire ; les décors intérieurs de ses premiers logements té- moignent de cette aisance, tout comme l’élégant portrait au pastel qui le montre en tenue de soirée, un haut-de-forme à la main (Gottlieb Theodor Kempf von Hartenkampf). Wagner divise l’opinion et suscite bien des polé- miques, mais il a l’op- portunité de mener à bien et jusque dans les moindres détails d’importantes com- mandes. L’exposition propose une présenta- tion immersive de ces projets emblématiques en mêlant maquettes, mobilier, esquisses, « Otto Wagner. Maître de l’Art nouveau viennois », jusqu’au 16 mars 2020 à la Cité de l’architecture & du patrimoine, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75016 Paris. Tél. 01 58 51 52 00. www.citedelarchitecture.fr Catalogue, coédition Cité de l’architecture & du patrimoine / Bernard Chauveau édition / Wien Museum, 320 p., 44 € . reproductions de grande taille et films. La Caisse d’épargne de la poste fait ainsi l’objet d’une section à part, demême que les bureaux du jour- nal Die Zeit (1902) ou la superbe église Saint-Léopold. Dominant de son imposante coupole dorée l’hôpital psychiatrique du Steinhof, dans la banlieue de Vienne, l’édifice considéré comme la première église moderne d’Europe a été décoré avec le concours de plusieurs artistes dont Koloman Moser, auteur des vitraux et des mosaïques. « L’école de Wagner » Toujours soucieux de se faire connaître à l’échelle internationale, l’ar- chitecte participe à des concours, des expositions et des congrès, tout en diffusant largement ses publications. Paru en 1911, son ouvrage Die Grossstadt ( La grande ville ) suscite ainsi l’intérêt de ses confrères jusqu’aux États-Unis. Il fédère autour de lui un cercle d’artistes et d’in- tellectuels, mais à partir de 1894 son statut de professeur à l’Acadé- mie des beaux-arts de Vienne (preuve évidente de la reconnaissance dont il jouit alors) lui permet surtout de s’entourer de jeunes talents prometteurs qui deviennent bien souvent ses collaborateurs ; on parle à l’époque de l’« école de Wagner ». L’exposition accorde une place de choix à ces « soldats de la modernité » formés dans l’atelier animé du maître et qui travailleront ensuite dans toute l’Europe centrale. Si certains élèves peinent à s’écarter de l’exemple de leur figure tutélaire, Wagner n’entend pas brimer leur liberté et se montre même réceptif aux idées nouvelles de ses jeunes protégés. Deux d’entre eux se sont singulièrement démarqués : Josef Maria Olbrich auquel on doit l’emblé- matique palais de la Sécession, et Josef Hoffmann qui fonde en 1903 les fameux Wiener Werkstätte (« ateliers de Vienne ») avec Koloman Moser. « Sans Otto Wagner, nous n’aurions pas la Sécession » résume dès 1913 l’écrivain Hermann Bahr. Myriam Escard-Bugat 1 Voir l’excellent catalogue de l’exposition. Église Saint- Léopold am Steinhof, Vienne, maître-autel et baldaquin, élévation, vers 1903-1904. Photo service de presse. © Vienne, Wien Museum Fauteuil conçu pour la Caisse d’épargne de la poste, vers 1906. Bois courbé, aluminium, tissu. Gebrüder Thonet, fabricant. Photo service de presse. © Signa Group

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