Extrait L'Objet d'Art

4 L’OBJET D’ART FÉVRIER 2020 PARIS OTTO WAGNER ET LA SÉCESSION VIENNOISE Parmi les membres de la Sécession viennoise fondée en 1897, on connaît assurément mieux les peintres Gustav Klimt et Egon Schiele qu’Otto Wagner, précurseur de l’architecture moderne. La Cité de l’architecture lui consacre une vaste rétrospective, la première en France. «R ien qui ne soit fonctionnel ne pourra jamais être beau » affirme Otto Wagner (1841-1918) dans le manuel Moderne Architektur qu’il publie en 1896, au faîte de sa carrière. Certes, les propos du Viennois s’avèrent volontiers plus radi- caux que ses réalisations 1 , mais il a assurément joué un rôle majeur dans l’éclosion et l’affirmation de l’architecture moderne, s’illustrant comme un précurseur de l’Art nouveau, dans son versant ornemental d’abord, puis rationaliste. Dense et d’une remarquable variété (près de 500 dessins, objets d’art, maquettes ou photographies sont ici réunis), l’exposition lève le voile sur l’homme et l’architecte tout en nous replon- geant dans la période d’effervescence créatrice que connut Vienne au tournant du XX e siècle. Vers la modernité OttoWagner s’est progressivement éloigné de l’historicisme en vigueur pour développer une conception visionnaire de l’architecture et accom- pagner le basculement vers la modernité. Sans pour autant faire table rase du passé ni rejeter l’ornement, il évolue de manière radicale au fil de sa longue et prolifique carrière. Que de chemin parcouru entre le projet de Palais de Justice de Vienne, dont le style éclectique est salué par la presse en 1874, et sa seconde villa alliant, une quarantaine d’années plus tard, fa- çades lisses, toit plat et motifs géométriques ! Entre 1860 et 1918, l’ar- chitecte, qui est aussi urbaniste et designer, imagine non seulement musées, églises, palais et magasins, mais aussi aménagements inté- rieurs, meubles et objets du quotidien ou encore projets urbains ambi- tieux. Si la conception d’objets n’est pas la pre- mière de ses activités, c’est tout de même dans ce domaine qu’il met en œuvre ses idées nouvelles, comme en témoignent un chandelier pour sapin de Noël des plus minimalistes ou encore la baignoire en verre conçue pour l’un de ses premiers appartements. C’est en revanche par le biais des immeubles et des grands projets que Wagner entend donner à sa ville un nouveau visage. Ceux qui ont visité l’ancienne capitale austro-hongroise ont immanquablement admiré la station de métro de la Karlsplatz, ornée de motifs floraux, la « Maison desmajoliques » et la «Maison auxmédaillons » – immeubles de rap- port qui heurtèrent la bonne société de l’époque –, et bien sûr l’impo- sante Caisse d’épargne de la poste construite à partir de1904. Ce grand bâtiment recouvert de plaques de marbre et de granit à l’aide de fixa- tions métalliques laissées apparentes est caractéristique de la matu- rité de l’architecte, par son stylemoderne et épuré faisant la part belle aux matériaux nouveaux (pavés de verre, aluminium), aux modes de construction innovants et au décor « utile ». Les bureaux, tout comme la salle des guichets qui se déploie sous une vaste verrière, conservent leur mobilier sobre et fonctionnel. Il s’agit là de l’unique commande pu- blique reçue par l’architecte, la seule de ses réalisations à avoir pignon sur le Ring, ce fameux grand boulevard (4 km) ceinturant la ville qui fut aménagé à partir de 1857 à l’emplacement des anciens remparts. Pavillon de Karlsplatz, Vienne, 1898. Photo service de presse. © AC Manley / Photo12 / Alamy EXPOSITIONS

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