Extrait L'Objet d'Art

51 NOVEMBRE 2019 L’OBJET D’ART reproduit ci-contre est celui de Louis Auguste Victor de Ghaisne. Né en Anjou en 1773, il se destine à la carrière des armes. La Révolution et ses convictions le mènent à émigrer puis à combattre aux côtés de la Chouannerie. Denouveauémigré à l’avènement deNapoléon, il finit, en 1807, par servir l’armée impériale dans laquelle il atteint le grade de général de division. Accueillant volontiers la Restauration, il est récompensé de sa loyauté en étant placé à la tête d’une division de la Garde royale puis en étant nommé pair de France en 1823. Cette grande te- nue, revêtue dans le cadre des solennités, se compose de l’habit bleu de roi dont le collet droit et les parements sont brodés de fleurs de lys naturelles et héraldiques. Le riche manteau de velours de soie brodé d’or dans sa partie inférieure est chargé d’hermine, symbole d’incor- ruptibilité traditionnellement destiné aux plus hautes dignités. La tenue est portée avec le glaive de pair de France. Au début du XIX e siècle, les administrations et les membres de l’autorité politique adoptent les codes vestimentaires et symboliques de l’armée, contribuant de la même manière à affirmer la grandeur de l’État. Somptueux présents Le faste et le luxe militaires s’expriment également par des cadeaux, que ceux-ci soient destinés à récom- penser le mérite, à manifester de bonnes relations ou, comme ici, à honorer un allié potentiel. Sous le Consulat et l’Empire, le royaume du Maroc représente un intérêt majeur pour des raisons commerciales et stratégiques. Le pays est alors dirigé, depuis 1792, par Moulay Slimane, appelé « Sultan de Fès », « Chérif », « roi » ou « empereur du Maroc ». Ce dernier a suivi avec atten- tion l’intervention française en Égypte et a été très sen- sible aux exploits du général de l’armée d’Orient et aux égards qu’il a eus pour le peuple musulman en général et marocain en particulier. Il ne s’est cependant pas dé- parti du principe de neutralité dans les conflits euro- péens. La défaite navale française de Trafalgar, en 1805, lamainmise anglaise sur laMéditerranée, puis l’arrivée de Joseph Bonaparte sur le trône d’Espagne changent la donne. La diplomatie française n’avait alors cessé de tenter, jusqu’en 1807, de s’accorder les faveurs du chérif, notamment par le don de présents somptueux. Ce fu- sil et ce pistolet sont ainsi les deux pièces conservées d’un ensemble destiné à Moulay Slimane qui ne lui a jamais été offert. Ils ont été fabriqués dans l’atelier de Jacques Tomson et de son fils, à Rotterdam, entre 1804 et 1807. Les liens commerciaux de cette région d’Europe avec les Indes, notamment, justifient l’extraordinaire abondance de diamants, émeraudes ou encore saphirs de Ceylan qui ornent ces armes. Monde militaire et haute couture En 2010, Jean-Paul Gaultier déclarait « J’ai toujours aimé lesmélanges, les paradoxes qui s’assemblaient », résumant en quelque sorte l’esprit de sa recherche et J. Tomson & fils, fusil (détail) et pistolet commandés par Napoléon I er pour le chérif du Maroc, Rotterdam (Pays-Bas), 1804-1807. Acier doré, ciselé, bleui, laiton doré, bois, or, diamant, diamant rose, saphir, émeraude. Pistolet : L. 45,5 cm ; cal. 17 mm – fusil : L. 161,5 ; cal. 17 mm. Paris, musée de l’Armée. © Paris – musée de l’Armée, dist. RMN-Grand Palais / Anne-Sylvaine Marre-Noël

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