Extrait L'Objet d'Art

5 FÉVRIER 2019 L’OBJET D’ART définissent les autres catégories de peinture (le paysage, la nature morte, le portrait, les scènes de genre) qu’en opposition à la peinture d’histoire, sous le termegénériquede«peinturedegenre». Ledévelop- pement d’unmarché privé entraîne au XVIII e siècle, en France, une pro- gressionsansprécédent decesgenres«mineurs». Faceauxnouvelles attentes d’unmarché de l’art enpleine expansion, ces genres picturaux, toujours considérés comme inférieurs par la doctrine académique, s’émancipent et cherchent un langage suggestif correspondant à ces sujets originaux : le renouvellement des thèmes implique le renouvel- lement du style. Les tableaux montrent le métier du peintre, exaltent sa touche comme signature. Chacun peut désormais porter un regard esthétique sur les œuvres grâce aux Salons, où le public se presse. C’est ainsi que la critique d’art se démocratise : dorénavant, le goût du public et sa sensibilité importent dans l’appréciation des œuvres. Au Siècle des lumières, littérature et peinture reflètent une nouvelle vision de l’homme et de l’univers, en revalorisant les sentiments et la sensibilité. La peinture se fait alors l’écho enthousiaste et inspiré de ces réflexions inédites. Les passions, qui animaient tout autant la grande tragédie racinienne que lesœuvres de Charles Le Brun, étaient considérées, au XVII e siècle, comme négatives, détournant l’Homme du chemin de la raison, soumettant sa volonté aux caprices du corps et du cœur. La plupart des écrits littéraires et philosophiques du Siècle des lu- mières, tout au contraire, illustrent une revalorisation des affects. Sen- timent et sensibilité deviennent de vraies facultés cognitives, comme voied’accèsdésormaisprivilégiéeà lamorale (lesentiment est souvent rapproché de l’âme et la sensibilité du cœur) et au goût. L’appréciation même du beau en est modifiée : les sentiments sont autant à l’œuvre dans le cœur du spectateur que chez les personnages des peintres. « Éloge de la sensibilité » et « Éloge du sentiment », du 15 février au 12 mai 2019 au Musée d’arts de Nantes (10 rue Georges Clemenceau, 44000 Nantes. Tél. 02 51 17 45 00) et au musée des Beaux-Arts de Rennes (20 quai Émile Zola, 35000 Rennes. Tél. 02 23 62 17 45). www.museedartsdenantes.nantesmetropole.fr / www.mba.rennes.fr Catalogue commun aux deux expositions, Snoeck, 368 p., 35 € . À paraître : Dossier de l’Art n° 266, éditions Faton, 80 p., 9,50 € . À COMMANDER SUR WWW.FATON.FR À Nantes, les portraits témoignent du développement de la sphère in- time (Labille-Guiard) et d’une tendre attention à l’enfance (Bouliard) ; les rapports de séduction se théâtralisent, jouant sur la gamme entière des émotions (Greuze). Les artistes s’inspirent de la nature, tour à tour miroir d’une âme sereine ou tourmentée (Chevalier Volaire, Hubert Robert), tandis que les natures mortes s’émancipent peu à peu de la pure imitation. À Rennes, le sentiment devient l’un des chemins du renouvellement de la peinture d’histoire. La peinture religieuse exalte la foi en s’appuyant sur la force affective (Vanloo). Dans un premier temps lamythologie galante incarne pleinement l’affirmation d’un nou- veau goût pour une peinture sensuelle et décorative, la délectation face aux amours triomphantes ou contrariées (Boucher, Fragonard). Et le culte du sentiment, qui naît au début du XVIII e siècle, ne souffrira absolument pas de la rationalité moralisante du néoclassicisme. La référence à l’antique et le retour aux sources classiques, avec leurs héros exemplaires, portant les vertus morales à leur plus haute ex- pression, s’appuient sur la compassion (certes plus vertueuse) du spectateur. Un important catalogue, riche de la contribution de plus de 35 auteurs, per- met de remettre à jour la connaissance des peintures exposées. La quasi-tota- lité des œuvres importantes du XVIII e siècle conservées en Bretagne y sont reproduites. Adeline Collange-Perugi et Guillaume Kazerouni François André Vincent, L’Enlèvement d’Orithye , 1782. Huile sur toile, 261 x 196,7 cm, Rennes, musée des Beaux-Arts. Photo service de presse. © MBA, Rennes – J.-M. Salingue Jean-Baptiste Siméon Chardin, Pêches et raisins . Huile sur toile, 38 x 47 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts. Photo service de presse. © Jean-Manuel Salingue / MBA Rennes

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