Extrait L'Objet d'Art

59 NOVEMBRE 2018 L’OBJET D’ART Le cubisme est mal connu, voire mal aimé du public. Était-il nécessaire de proposer un nouveau regard, peut-être plus pédagogique, sur ce mouvement ? Oui, absolument. Il fallait en effet faire un peu de pédagogie. Le cubisme est mal connu du public car il n’y a pas eu de rétrospective en France depuis 1953 ! Plusieurs générations, depuis 65 ans, n’ont donc aucune vision d’en- semble de cemouvement. Nous avons choisi de retracer son histoire, dans toute sa vérité et globalité. Cela signifiait ne pas se canton- ner aux quatre personnalités phares habi- tuellement mises en avant, les deux grands initiateurs, Pablo Picasso et Georges Braque, suivis de Fernand Léger et Juan Gris. L’origi- nalité de l’exposition est de montrer l’évo- lution du mouvement sur dix années, entre 1907 et 1917 : non seulement les inventions radicales et novatrices de Braque et Picasso, mais aussi la formation de plusieurs écoles cubistes à Paris, qui élargissent le répertoire visuel de ces deux pionniers et permettent au mouvement de rayonner, à l’intérieur et au-delà des frontières françaises. TOUTES LES FACETTES DU CUBISME Contrecarrant les idées reçues sur un cubisme aride, monochrome, monotone, l’exposition du Centre Pompidou met en lumière un mouvement révolutionnaire, foisonnant, multiforme, dont les innovations ont bouleversé l’art du XX e siècle. Réunissant quelque 300 œuvres, le parcours retrace son histoire mouvementée, de sa naissance sous les auspices de Cézanne et Gauguin en 1907, à sa postérité, qui s’étend bien au-delà de 1917... Entretien avec Brigitte Leal, commissaire de l’exposition et directrice adjointe du musée national d’Art moderne au Centre Pompidou / Propos recueillis par Eva Bensard Quels sont les éléments fondamentaux de ce nouveau langage : l’éclatement de la forme, l’élimination de la perspective... ? Le cubisme remet en cause les canons de représentation traditionnelle en optant pour un langage conceptuel. En procédant par géo- métrisation, il fait éclater la forme homogène. Les artistes impressionnistes et néo-impres- sionnistes avaient déjà éparpillé la forme par le biais de la couleur. Puis les Fauves l’ont dé- sintégrée à leur façon, par des aplats de cou- leurs pures. Picasso et Braque, au contraire, évincent la couleur, et la remplacent par des plans-facettes. L’autre élément fondamen- tal du cubisme, c’est l’invention de « tech- niques » inédites : les collages, les papiers collés, les constructions. Les papiers collés, l’irruption de la 3 e dimension dans la peinture, est-ce la plus grande révolution du cubisme ? Oui. La Nature morte à la chaise cannée (1912) (voir encadré p. 63) est le premier acte de désacralisation de la peinture. Picasso y introduit un objet banal, un vulgairemorceau de toile cirée, et une grosse corde fait office de cadre. La même année, Braque invente les papiers collés, constitués de bandes de papiers peints et de coupures de journaux. Le cubisme voit aussi la naissance des premiers assemblages : ce sont les guitares en papier ou en carton de Picasso. Les deux artistes font éclater les frontières entre dessin, pein- ture, sculpture. Après ces expériences, l’art ne sera plus jamais le même... Quelles sont les prémices de ce mouvement ? L’année 1906-1907 marque un tournant. En 1906, le Salon d’Automne consacre une ré- trospective à Paul Gauguin, qui incarne aux yeux de la jeune génération la recherche du « sauvage, du primitif » et la rupture avec les Georges Braque, Grand Nu , 1907-1908. Huile sur toile, 140 x 100 cm. Paris, musée national d’Art moderne – Centre Pompidou. Photo service de presse / Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. RMN – G. Meguerditchian © Adagp, Paris 2018 EXPOSITION

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