Extrait HISTOIRE JUNIOR

certaines saveurs à un événement précis. Certains recherchent le sucré (car le sucre agit comme une drogue chez certaines personnes), d’autre plutôt le salé (comme dans le choux) ou l’amertume (par exemple les épinards), voire l’acidité (yaourts, citrons, etc.). Clovis a en horreur les brocolis mais Prof’ Hérodote en raffole. Tous les êtres humains perçoivent-ils le goût des aliments de la même façon ? Non, bien sûr, c’est ce qui fait le charme de la vie : la découverte des autres personnes nous mène à la découverte d’autres goûts. La différence est ce qui nourrit nos personnalités. Et nous allons aimer tel ami, tel oncle ou telle tante aussi parce que nous avons partagé avec eux de nouvelles saveurs. Nos penchants pour certaines saveurs sont-ils inscrits dans notre patrimoine génétique ? Tout à fait ! On sait maintenant que ce que nos mamans ont mangé pendant leur grossesse nous oriente vers tel ou tel goût. Mais pas seulement... On apprend beaucoup entre 0 et 6 ans. En goûtant toutes sortes d’aliments, on se constitue comme une bibliothèque dans laquelle on puisera au cours de notre vie lorsqu’on goûtera à des cuisines venant d’autres régions du monde. Les Américains aiment le ketchup qui marie le sucré et l’acide, les Asiatiques préfèrent l’acide, l’amer et l’umami de la sauce de soja alors qu’en Europe, l’acide et le salé sont les saveurs préférées des adultes. Au Japon, on raffole du poisson cru. Mais dans d’autres pays, c’est hors de question d’y toucher ! Le goût est-il donc culturel ? Oui, pour une part, chaque région du monde met en avant des goûts qui créent des habitudes très tôt. Cela explique que chacun d’entre nous est orienté dans ses goûts par des plats qui reviennent régulièrement. Dans certains pays, on mange des sauterelles, du chien, des tortues, des chenilles, ce qui peut nous choquer… De la même manière que les Français choquent les pays voisins en mangeant parfois des grenouilles ou des huîtres (d’autant que les huîtres que nous mangeons sont encore vivantes lorsque nous les avalons !). Dans les pays tropicaux, on aime les fourmis, les guêpes, les papillons, les mites, les cafards et les araignées qu’on évite au nord de la planète où l’abondance de viande ne justifie pas qu’on cherche des protéines dans les insectes… Certains malades du Covid 19 ont perdu le goût. Comment cela s’explique-t-il ? Et peut-on recouvrer le goût après l’avoir perdu ? La langue qui nous permet de détecter les saveurs n’est qu’une étape dans la constitution du goût : celui-ci est révélé par l’odorat. Or, le virus du Covid provoque l’inflammation des cellules olfactives qui nous permettent de détecter les molécules odorantes dans l’air. Pour retrouver l’odorat, il faut le rééduquer avec un coffret de senteurs comme font les œnologues. Hélas, 8% des patients atteints par cette pathologie n’ont toujours pas retrouvé leurs sens… Des recherches sont en cours. Histoire Junior n o 111 3 1 Un article écrit en partenariat avec Sorbonne Université. Gilles Fumey est enseignant- chercheur à Sorbonne Université, établissement partenaire d’ Histoire Junior et de Faton Jeunesse.

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