Histoire de l'Antiquité à nos jours

12 BONAPARTE DANS LES PAS DES GRANDS BONAPARTE DANS LES PAS DES GRANDS Napoleone Buonaparte voit le jour en 1769, un an après le traité de Versailles par lequel la République de Gênes cède la Corse à la France. *l quitte Ajaccio à neuf ans pour intégrer une école militaire sur le continent. Observons le jeune homme poser ses pas dans ceux d’Alexandre et de César. PAR PATR*CE GUEN*FFEY )istorien DES RÊVES HÉROÏQUES Le latin était maître en ce temps-là. Des fenêtres de toutes les classes de l’Ancien Régime s’échappait « comme un cliquetis de déclinaisons et de versions latines ». Aucun collégien n’ignorait Cicéron et Horace. Certains s’en plaindront, reprochant aux maîtres d’apprendre une langue morte à des jeunes gens qui, souvent, écrivaient un français pas même passable, ou de leur inculquer des principes en tous points contraires à ceux du temps où ils vivaient. Où était en effet, dans la France du XVIII e siècle, la possibilité de devenir un nouvel Alexandre ou de sacrifier sa vie, comme Cicéron, pour la liberté ? Mais, comme beaucoup de ses contemporains, le jeune Bonaparte sortit de ses classes la tête pleine de rêves héroïques. UN ÉTRANGE PARADOXE C’était une étrange époque. On ne peut concevoir plus grand écart entre les idées et les faits. La France vivait en paix, plutôt prospère, à l’abri d’une monarchie – absolue au moins en droit – dont personne ne pouvait imaginer que quelques années plus tard elle ne serait plus, et si, dans cette société bien ordonnée, il était possible de réussir, c’était plutôt dans les travaux utiles, comme on disait, que dans de grandes aventures. Le « vertueux laboureur » et le « bon père de famille » avaient davantage la cote que le plus hardi conquérant dont on voyait désormais moins le panache et l’ambition surhumaine que les malheurs qu’il semait derrière lui. Exit Alexandre, César, Gengis Khan, Tamerlan et même Turenne. On admirait davantage Parmentier et sa pomme de terre, Lavoisier et ses découvertes. L’heure était aux bonheurs simples et privés, au repli sur le cercle étroit de la famille et des amis, à la tendresse du mari pour sa femme, à l’attention pour les enfants, sentiments que Rousseau, qui lui-même ne les éprouvait guère, avait mis à la mode. La contradiction était singulière entre la culture des collèges et les idées en vogue dans la société. Mais les écrivains hostiles à la conception ancienne de la grandeur en endossaient l’habit à leur manière. Ils étaient au centre de l’attention publique, on célébrait leur œuvre en la disant immortelle comme la gloire : les écrivains étaient les Alexandre de leur siècle. Combien de jeunes gens commencèrent alors de chercher dans la carrière des lettres la gloire qu’un monde trop pacifique rendait inaccessible ? Bonaparte noircit des centaines et des centaines de pages. « Noircisseur de papier », disait Chateaubriand. Oui, comme tous ceux qui, à quinze ou vingt ans, rêvaient de devenir les Voltaire et les Rousseau de demain et, comme eux, de régner à jamais sur les esprits. Alexandre le Grand (356 av. J.-C. – 323 av. J.-C.), l’un des plus grands conquérants de l’Histoire, fait partie des modèles du jeune Bonaparte. Mosaïque du musée archéologique de Naples. Photo CC0

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz