Extrait Archéologia

9 Même si Darius traita avec modération les cités grecques d’Asie, même si la Grèce continentale avait très tièdement réagi devant ce qui se passait de l’autre côté de l’Hellespont, la menace achéménide avait dévoilé son vrai visage : dès 493, Thémistocle, alors archonte à Athènes, faisait construire une flotte au Pirée. L’espoir d’un consensus ? La première guerre médique, motivée dès 492 par le désir de Darius de punir Athènes d’avoir, même modestement, soutenu l’Ionie, se solda par la victoire de Marathon en 490 : si elle ne délogea en rien les Perses de la mer Égée, elle montra que les Grecs pouvaient les vaincre sur le champ de bataille. À peine l’affaire terminée, la Grèce retourna à ses querelles internes : cette première manifestation forte de la puissance perse n’avait pas suffi à la calmer. Pire : Xerxès, qui succéda à Darius en 485, trouva des alliés parmi ses cités ! La seconde guerre médique, voulue par Xerxès, visa à venger l’humiliante défaite subie par son père. L’attaque fut d’une tout autre envergure, puisqu’elle se combina avec une autre de Carthage, encouragée par Xerxès, sur la Sicile, dont le tyran Gélon, qui la dirigeait, était un puissant allié potentiel d’Athènes. L’invasion perse fut cette fois conjointement menée par mer et par terre, avec construction de ponts et d’un canal, pour acheminer une armée qu’Hérodote chiffre à 1 700 000 hommes (VII, 60), et que les historiens modernes estiment plus raisonnablement aux environs de 200 000, ce qui est déjà beaucoup pour l’époque. Des Thermopyles au sac d’Athènes en 480, Xerxès manqua bien de l’emporter, mais la victoire grecque de Salamine (480), qui le contraignit à la retraite, car il craignait d’être coupé de l’Asie si son pont de bateaux sur l’Hellespont était détruit, retourna la situa- tion ; celles de Platées et deMycale (479) mirent fin au conflit. Il fut bientôt loin le temps… … où les visées de la Perse sur la péninsule hellénique avaient rassemblé contre celle-là un certain nombre de cités grecques autour d’Athènes et de Sparte. On avait assisté à un semblant d’union panhellénique, durement fragilisée par l’absence de nombreuses villes, comme Thèbes. Même devant ce redoutable ennemi, la Grèce n’avait pas su faire bloc, ignorante d’une notion dont Rome manifestera l’existence, pour la première fois dans l’histoire occidentale, lorsqu’elle devra tenir tête à l’invasion d’Hannibal, au III e siècle : celle de nation. Dès que l’ennemi eut été repoussé dans son domaine anatolien, les divisions entre les cités grecques reprirent de plus belle selon un schéma sans cesse changeant ; quarante-huit ans après Mycale, la guerre du Péloponnèse éclatait entre Sparte et Athènes, qui devait durer vingt-sept ans (421-404), pour être aussitôt suivie par celle de Corinthe, opposant de 395 à 387, Sparte à Athènes, Corinthe, Thèbes et Argos, alliées en la circonstance, mais dont les deux dernières avaient pactisé avec la Perse lors des guerres médiques. En fait, le ballet entre les cités dominantes, Sparte, Thèbes et Athènes, celle-ci ne s’étant jamais résolue à la défaite, ne ces- sait pas, avec, comme arbitre plus ou moins occulte, les autres cités, souvent fluctuantes, et une Perse en crise qui avait de- puis longtemps compris que la Grèce suffisait à se nuire à elle- même. Les batailles de Cynocéphales (364) et de Mantinée (362) avaient sonné le glas des ambitions thébaines, et surtout laissé la Grèce exsangue, hormis peut-être Athènes, qui, malgré quelques faiblesses – au nombre desquelles ses dissensions in- ternes –, avait conservé une certaine puissance : cette fois, au lieu de s’épuiser, elle avait regardé les autres le faire à sa place. Mais le lion guettait, en lisière de forêt… Carte de l’Empire perse vers 490 av. J.-C. ©Olivier Henry.

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