Histoire de l'Antiquité à nos jours

23 Élection d’un comité parisien Le 15 mars, la Garde nationale rassemblée en une fédération élit un Comité central qui représente un pouvoir parallèle à celui de l’Assemblée. Le 18 mars, ce comité prend possession de l’hôtel de ville, le jour même où les versaillais tentent de subtiliser les canons de Montmartre. Le lendemain, deux décisions importantes sont prises : d’abord, ne pas marcher sur Versailles ; ensuite organiser des élections à Paris le 26 mars. Ce comité est donc un gouvernement provisoire de la ville de Paris. Il inquiète néanmoins les Parisiens les plus conservateurs puisqu’il prétend ignorer les décisions de l’Assemblée nationale. Une manifestation réunit environ un millier de personnes le 22 mars afin de réaffirmer l’allégeance de la capitale à l’assemblée de Bordeaux. Profitant de la fin du siège, une partie des habitants les plus aisés ont quitté la ville pour s’installer en province, laissant ainsi le champ libre aux partisans de la révolte. Les journaux ont ironiquement qualifié ces fuyards de « francs-fileurs ». C’est ainsi que 230 000 Parisiens seulement votent sur les 470 000 électeurs que compte officiellement la ville, soit un taux d’abstention de 52 %. Sous le règne de Napoléon III, le préfet Haussmann, a fait passer Paris de douze à vingt arrondissements en englobant les communes périphériques ouvrières, ce qui a entraîné une hausse de la population qui frôle les deux millions d’habitants au total. À Belleville, à Montmartre et dans les quartiers populaires, ona assisté àun raz-de-maréeen faveur des candidats les plus radicaux. Chaque arrondissement a ensuite élu son propre comité. Dans le XVII e arrondissement, c’est Benoît Malon, ouvrier teinturier, qui l’emporte. Aux républicains déjà engagés dans les campagnes électorales sous le Second Empire se mêlent des révolutionnaires et des anarchistes. Les disciples de Blanqui et de Proudhon sont nombreux. Au lendemain du 26 mars, le comité parisien élu comporte 33 ouvriers, 5 petits patrons, 17 employés commis et comptables, 12 journalistes, 12 avocats, instituteurs et médecins. Pour proclamer la Commune, une cérémonie est organisée le 28 mars 1871 à l’hôtel de ville à laquelle 200 000 personnes assistent comme à une véritable fête populaire. L’écrivain Jules Vallès décrit la scène : « Ivre de soleil, le peuple de Paris se soulevait alors contre les Bastilles. » Mais qu’on ne s’y trompe pas, les élus sont considérés comme des « mandataires » révocables à merci par le peuple même qui les a désignés. Ils sont de simples serviteurs du peuple. Les électeurs de la Commune sont avant tout des « citoyens travailleurs », comme les a définis l’historien Jacques Rougerie. Ils ont généralement suivi une instruction au moins élémentaire. Ils savent lire et écrire. Les ouvriers du livre – typographes, compositeurs, relieurs – sont particulièrement représentatifs des ouvriers qualifiés favorables aux thèses de la Commune. Les artisans d’art – cordonniers, plumassiers, serruriers – surreprésentés à Paris par rapport à la province font également partie de cet électorat auquel il faut adjoindre les métiers intellectuelstelsquelesenseignantsetlesjournalistes,quin’ontpas toujours d’emploi fixe. On trouvemême des petits patrons comme Paul Brousse, établi ébéniste-réparateur à Paris depuis 1854 et employant trois ouvriers qu’il est fier de payer cinquante centimes par jour plus cher que le prix officiel. La valeur qu’ils défendent avant tout est le travail. Ils considèrent que le fruit du travail doit revenir à celui qui le produit. C’est souvent le thème des réunions et des débats publics auxquels ils participent dans l’esprit des clubs révolutionnaires et où l’on se donne du « Citoyen ». D’autres motions y sont débattues parmi lesquelles on retrouve souvent lesmêmes thèmes : suppression de la prostitution, arrestation des prêtres, arrestation des ivrognes, restitution gratuite des objets déposés auMont-de-Piété, remise des loyers... « La Commune de Paris. Proclamation sur la place de l’Hôtel de Ville des résultats du scrutin du 26 mars ». Gravure sur bois, dessinée par Frédéric Théodore Lix (1830-1897). © akg-images.

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