Histoire de l'Antiquité à nos jours

43 D e plan rectangulaire, 14,14 x 9,46 m, orienté est-ouest, le « monument juif », dit aussi « maison sublime », comprend une salle basse encavée, ventilée par quatre soupiraux et desservie par une porte ouvrant au sud, et au moins un étage. Ils sont mis en communication par un escalier aménagé dans une tourelle d’angle. Extérieurement, le bâtiment est scandé sur trois côtés par une succession de contreforts. Les données archéologiques, les analyses de la technique de taille de la pierre et du décor permettent de dater l’édifice du dernier quart du XI e siècle au tout début du XII e siècle. Les différentes interprétations du «monument juif » dit aussi «maison sublime » À l’occasion des travaux de réaménagement de la crypte archéologique du palais de justice, la mise en place d’un échafaudage a permis un examen approfondi des vestiges de la salle haute, négligée jusque-là par les spécialistes depuis les fouilles originelles, il y a maintenant plus d’une quarantaine d’années. Ces chercheurs ont longtemps débattu sur la fonction du bâtiment : une école rabbinique, ou yéshiva (thèse défendue par Norman Golb de l’université de Chicago et Jacques-Sylvain Klein), une synagogue (hypothèse soutenue lors de la décou- verte par Bernard Blumenkranz et Gérard Nahon, CNRS) et une fonction résidentielle (hypothèse avancée par Jacques Le Maho, CNRS, et Stéphane Rioland, architecte). L’identification de la synagogue médiévale de Rouen Dans le rapport de fouilles de 1977, la courte mention de la base d’une fenêtre de 1,40 m de large nous avait interpellé, car nous y voyions la trace potentielle d’une arche à Torah . Au-dessus du plancher, dont les logements de poutres sont visibles, on observe une série de retraits dans le nu des murs nord, ouest et sud. Ce retrait a une profondeur minimale de 0,27 m et cor- respond à une banquette courante, d’une capacité de soixante- dix personnes. Quant au mur oriental, l’appui large de 1,40 m ne correspond pas à une fenêtre, car aucun glacis n’est visible, et elle serait située bien trop bas. En rampant sous le plafond de la crypte (2018), on découvre, au sommet du mur, un bloc en boutisse qui constitue le piédroit d’une niche dont le fond plat subsiste également. Le bloc en boutisse est débordant et devait porter un décor. La situation pour le bloc symétrique est identique, mais il est moins bien conservé. Les photogra- phies de la fouille de 1977 permettent d’apercevoir le fond de la niche. L’arche sainte était donc bien là sous les yeux de tous et ses éléments architectoniques conservés justifient l’interpré- tation du monument comme synagogue, tout au moins pour la salle haute. Enfin, il faut signaler que, avec certitude au sud et plus hypothétiquement au nord de la niche, des retraits trop bas pour s’y asseoir et formant tablettes ou étagères sont visibles. Les figurations antiques sont plus pertinentes que les exemples médiévaux tardifs. C’est ainsi qu’on peut restituer des colonnes, sur les boutisses formant consoles, et un fronton en avant de la niche à fond plat. Sur les étagères basses encadrant l’arche sainte, deux menoroth auraient assuré l’éclairage. À l’extérieur, les contreforts, cantonnés de colonnes, qui scandent à rythme serré le monument sur trois côtés, ne renvoient pas aux mai- sons romanes de pierre mais plutôt aux prestigieuses grosses tours ou donjons des châteaux anglo-normands et de la France de l’ouest. Le monument juif est donc essentiellement une syna- gogue dont la construction totalement atypique rappelle par sa distribution intérieure une maison, et signale par son aspect extérieur son importance dans le paysage urbain. Photogrammétrie et relevés de la niche du mur oriental constituant l’arche sainte. C’est cet élément qui est le plus déterminant pour identifier une synagogue, surtout quand on lui associe une banquette courant sur les trois autres côtés.

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