Extrait Dossiers de l'Art

18 / DOSSIERS DE L’ART 305 L’ambition de Vermeer Trente ans après sa parution, l’ouvrage de Daniel Arasse demeure un guide pour qui s’efforce de comprendre ce qui se joue dans un tableau de Vermeer. Prendre pour sujet la peinture, son pouvoir même, n’a sans doute pas été l’ambition exclusive du peintre, mais l’un des ressorts de son art, à coup sûr. PAR JAN BLANC, PROFESSEUR D’HISTOIRE DE L’ART, UNIVERSITÉ DE GENÈVE Publiée en 1993, L’Ambition de Vermeer de Daniel Arasse fait l’ef- fet d’une bombe dans le petit milieu des spécialistes des peintres néerlandais du XVII e siècle. Dans ce livre, l’éminent spécialiste de la Renaissance italienne se risque à sortir de son domaine d’expertise pour formuler une lecture fort singulière de l’œuvre du « Sphinx de Delft». Selon lui, l’«ambition de peintre» affichée et assumée par Johannes Vermeer durant toute sa carrière n’est, fondamentale- ment, «ni commerciale ni sociale». Certes, «c’était certainement un des artistes (vivants) les plus en vue à Delft, la gloire locale à partir de 1660». Mais Vermeer «meurt criblé de dettes», et une interpré- tation serrée des documents d’archives «conduit à se demander si Vermeer peignait pour vendre». Arasse en conclut que l’ambition de Vermeer «se joue dans la peinture même, une ambition pro- prement artistique au sens où c’est l’art même de la peinture qui est l’objet de la visée du peintre». Il conclut : «Si “mystère” il y a chez Vermeer, celui-ci n’est ni une “énigme” ni un “secret”. C’est une visée de l’œuvre, construite par le peintre dans le tableau, pour que ce dernier exerce son plein effet sur celui qui regarde.» n Johannes Vermeer, La Jeune Fille au collier de perles , vers 1662‑64 Détail. Huile sur toile, 56,1 x 47,4 cm. Berlin, Staatliche Museen zu Berlin – Gemäldegalerie © BPK, Berlin, dist. RMN – J. P. Anders

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