Extrait Dossier de l'Art

DOSSIER DE L’ART 286 / 23 La plupart des maîtres ayant un atelier d’élèves étant eux- mêmes académiciens, leurs leçons, loin d’être en rupture avec l’enseignement officiel, le développaient. En intégrant uniquement les ateliers particuliers, puisque l’accès à l’Aca- démie leur était restreint, les femmes avaient donc accès au même niveau d’enseignement. Seule la pratique différait, plus ou moins intensive, en fonction des possibilités de s’exercer. Modèles inanimés et modèles vivants En dehors des collections académiques, l’étude d’après les maîtres était possible dans les grandes collections devenues publiques après la Révolution : le Louvre trans- formé en musée national, impérial puis royal ; le musée de l’École française au château de Versailles puis au palais du Luxembourg ; le musée des Monuments français où avaient été réunies les saisies révolutionnaires dans les demeures aristocratiques et religieuses et qui devint le cœur de la collection de l’École des beaux-arts quand celle-ci s’y ins- talla après 1817. Au-delà du désordre propre à un groupe de jeunes peintres enthousiastes, le problème principal posé par l’apprentissage des arts fondés sur la représentation humaine était la nudité des modèles. C’est cet accès à la « nature dévoilée » dans une ambiance libérée qui différen- cia les modalités d’étude et conduisit à créer des ateliers féminins séparés quand ces lieux se développèrent. Diderot écrivant à son ami le sculpteur Falconet en mai 1768 louait à ce sujet Anna-Dorothea Therbursch, qui venait d’être reçue comme peintre de genre à l’Académie royale : « Cette femme s’est mise au-dessus de tous préjugés. Elle s’est dit à elle-même : Je veux être peintre, je ferai donc pour cela tout ce qu’il faut faire ; j’appellerai la nature, sans laquelle on ne sait rien ; et elle a courageusement fait déshabiller le modèle. Elle a regardé l’homme nu. Vous vous doutez bien que les bégueules de l’un et l’autre sexe ne s’en sont pas tues. Elle les a laissé dire et elle a bien fait. » En parallèle à l’enseignement reçu à l’Académie royale de peinture, centré sur le dessin, tout artiste se destinant à faire carrière complétait sa formation dans l’atelier d’un maître. Il y apprenait le « métier » : la confection des couleurs, la perspective, le clair-obscur, la science des glacis. Pour autant, la théorie ne différait guère de l’un à l’autre lieu. Elle était celle de tous les traités depuis le XVII e siècle : l’étude de la figure humaine par la copie, d’après l’estampe puis la sculpture et, enfin, d’après le modèle vivant. PAR SIDONIE LEMEUX-FRAITOT, RESPONSABLE DES COLLECTIONS DU MUSÉE GIRODET, MONTARGIS n Atelier de Jean-Baptiste Regnault dans les combles du couvent des Cordeliers . Plume et encre, aquarelle sur papier, 30 x 50 cm Paris, Bibliothèque nationale de France © BnF

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