Extrait Dossier de l'Art

DOSSIER DE L’ART 279 / 5 rentre en Toscane, à Florence et à Sienne, après avoir travaillé pendant dix ans à Padoue. Au même moment est signée la paix de Lodi, instaurant une période de calme entre les nom- breux états qui forment l’Italie du XV e siècle. Donatello, créateur mul- tiforme et sans cesse à la recherche de nouveaux modes artistiques, développe dans la dernière partie de sa carrière une œuvre qui, tout en demeurant centrée sur le corps humain, met l’accent sur des senti- ments extrêmes. Dans ses grandes statues comme dans ses reliefs, aux sujets majoritairement religieux, il déploie alors un expressionnisme vital et dramatique qui est souvent défini comme « anticlassique ». Ce dernier apparaît dans les figures de la théâtrale Crucifixion du musée du Bargello (p. 6) ou dans l’émou- vant petit relief de la Déploration du Christ du Victoria and Albert Museum de Londres (p. 36-37), avant d’atteindre son apogée et son émou- vante conclusion sur les chaires de la basilique San Lorenzo au début des années 1460. Or, cette expres- sivité trouve un contrepoint dans l’idéal classicisant et la recherche d’équilibre qui marquent tout un courant de la production florentine de Verrocchio jusqu’à Benedetto da Maiano (voir p. 44-51). Le début du Cinquecento se met en effet en quête d’une harmonie idéale des formes, conçue comme une expres- sion du divin et une incarnation du sublime. Cette recherche, qui sera bientôt celle de Michel-Ange, trouve de nombreux interprètes comme Baccio Bandinelli à Florence ou Cristoforo Solari et Bambaia à Milan. Tous témoignent d’une nouvelle vision de la figure humaine, au classi- cisme consolidé et élégant. Cette exposition constitue le second volet d’un premier qui s’était tenu en 2013, sous le titre « Le printemps de la Renaissance », et qui célébrait le premier Quattrocento. Comment s’articulent-ils ? « Le Printemps de la Renaissance » portait sur la première saison de la Renaissance à Florence, ville où se met en place ce nouveau langage artistique centré sur la remise au premier plan de l’Antiquité classique comme modèle plastique et comme source d’inspiration morale. La figure humaine dans sa dimension sensible devient alors l’enjeu majeur, comme en témoignent les grandes œuvres fondatrices tel le Saint Matthieu de Lorenzo Ghiberti ou le Saint Georges de Donatello. Avec mes collègues de Florence, Beatrice Paolozzi Strozzi, et de Milan, Francesca Tasso, nous avons voulu montrer dans « Le Corps et l’Âme » comment, dès la seconde moitié du XV e siècle, les artistes appréhendent d’une toute nouvelle façon les modèles classiques et cherchent, ce faisant, à traduire toute la gamme des émo- tions humaines à travers la gestuelle du corps et l’expression du visage. Ce propos s’appuie sur les analyses développées par Aby Warburg, le grand historien de l’art allemand qui a théorisé la polarité issue de l’Anti- quité classique entre un éthos apol- linien combinant ordre et mesure et un pathos dionysiaque plein de vigueur et de débordements. Le premier volet s’achevait sur le bouleversement incarné par Donatello. En quoi les œuvres de ce dernier présentées ici diffèrent-elles de celles exposées en 2013 ? L’exposition prend pour point de départ 1453, date à laquelle Donatello

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