Extrait Dossier de l'Art

8 / DOSSIER DE L’ART 263 ENTRETIEN I AVEC LES COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION Paris , Montjoie ! ...) et à travers la presse vont s’écrire l’histoire du cubisme et se diffuser largement les reproductions. Dans l’exposition, nous avons réuni des œuvres que le public a vues dans ces Salons. Cela permet notamment de remarquer que, pour exister parmi les milliers d’œuvres présentées, le grand format s’impose chez les cubistes, comme avec La Ville de Paris de Delaunay ou La Noce de Léger. Mais paradoxalement, aumoment même où il triomphe à l’exposition de la Section d’or de 1912, le cubisme se divise déjà. Apollinaire le perçoit, qui prononce à l’ouverture sa conférence intitulée « L’écartèlement du cubisme ». Il sait qu’un processus d’académisation est en route depuis l’entrée des cubistes aux Salons ; il sait que la convergence qu’ils revendiquent a quelque chose de factice. En quelques années, le cubisme en effet devient un style, une sorte de langage par lequel passent tous les jeunes artistes qui cherchent à créer autrement. Quel rôle a joué le retour en force du sujet dans cette évolution ? B. L. : Dans ce mouvement de démul- tiplication du cubisme, certaines pro- positions figuratives se distinguent. Léger, par exemple, déploie sa propre iconographie autour de la vie moderne, qui va l’entraîner très loin, tout comme les Delaunay. Toutefois, le cubisme s’épuise avec le passage à la nouvelle figuration, magistrale- ment résumé en 1917 dans le grand spectacle Parade des Ballets russes avec Picasso en peintre décorateur, lequel crée un grand rideau clas- sique qui se lève sur un « spectacle faut souligner la virulence de la cri- tique, qui va jusqu’à la chambre des députés où l’on parle d’interdire aux cubistes l’entrée du Grand Palais... C’est pourtant aussi un moment de triomphe. A. C. : Absolument. La réaction du public oblige chacun à prendre parti. Les artistes se constituent en groupe avec la Section d’or ; pour les défendre, un front uni des critiques se crée autour d’Apollinaire. Par les revues d’avant-garde ( Les Soirées de Cette hostilité paraît surprendre les artistes. Ont-ils oublié la subversion à l’œuvre chez Braque et Picasso ? A. C. : Ce qui est incontestable, c’est qu’il n’y a pas, dans la démarche des cubistes présents aux Salons, la radi- calité qui était à l’œuvre chez Braque et Picasso. C’est justement l’un des aspects intéressants de cette aven- ture. De 1912 à 1917, la réappropria- tion du travail des pionniers s’accom- pagne d’une forme d’académisation du cubisme, que reflètent les écrits de Gleizes et Metzinger. Face à une critique hostile, ceux-ci cherchent à justifier la voie qu’ils empruntent par des arguments théoriques (la tradi- tion française, les fondements scien- tifiques du cubisme...). Cela étant, il " Au moment où il triomphe à l’exposition de la Section d’or de 1912, le cubisme se divise déjà. " Fernand Léger, La Noce , [1911] Huile sur toile, 257 x 206 cm Paris, musée national d’Art moderne – Centre Pompidou. Photo service de presse / Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. RMN – P. Migeat © adagp, Paris 2018

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz