Extrait Dossier de l'Art

DOSSIER DE L’ART 258 / 7 l’Iran. À la différence des Safavides (dont le règne est considéré comme l’âge d’or de l’Iran), ils n’ont pas d’as- cendance religieuse. Il leur manque donc une certaine légitimité poli- tique, d’autant que le fondateur de la dynastie a pris le pouvoir par la force. Tout le XVIII e siècle est en effet une grande période de guerre civile, avec trois tribus qui s’assassinent pério- diquement. Pour résumer, il n’existe aucune règle de succession, ou alors très subjective. C’est ce qu’a très bien compris le fondateur de la dynastie qajar, Aqa Muhammad Khan, qui était un vrai visionnaire. Son histoire per- sonnelle explique en grande partie ses futures décisions. Tout petit, à l’âge de 5 ans, il est envoyé en otage, puis castré afin d’éradiquer toute descen- dance. Il parvient néanmoins à rentrer une première fois dans sa tribu, puis est de nouveau envoyé comme otage, à la cour de Karim Khan Zand. C’est néanmoins auprès de ce dernier, qui en fera son conseiller, qu’Aqa Muhammad Khan apprend l’exercice du pouvoir, avant de s’échapper à nouveau pour revenir en Iran. Il comprend dès lors que pour réunir son pays, il lui faut assassiner tous ses opposants. Il s’ins- talle alors à Téhéran en 1786 et en fait sa capitale. À bien des égards, on peut le considérer comme le père de l’Iran moderne. Soucieux d’instaurer de nou- velles lois de succession, il désigne alors son neveu comme successeur : le futur Fath ‘Ali Shah. Ce dernier va bénéficier d’un véritable apprentissage auprès de son oncle. Par quels moyens l’art va-t-il précisément devenir un instrument au service du pouvoir ? C’est Fath ‘Ali Shah (1797-1834) en personne qui va mettre en exergue le rôle politique de l’art en codifiant l’art du portrait impérial, en élabo- rant une nouvelle esthétique étroite- ment liée à la personne du souverain et en instaurant tout un cérémonial, une véritable étiquette de cour. Fath ‘Ali Shah va également assigner un rôle symbolique aux bijoux : on le voit arborer la fameuse couronne et porter les deux gros diamants en brassard, ces précieuses regalia qui sont désormais conservées dans le Portrait de Fath ‘Ali Shah , Iran, Rasht, vers 1850. Tissage (drap ?) de laine, décor d’appliqué, broderie de soie, ajout de verroterie, 261 x 165 cm. Berne, Musée historique. Photo service de presse © Bernisches Historisches Museum « C’est Fath ‘Ali Shah (1797-1834) en personne qui va mettre en exergue le rôle politique de l’art en codifiant l’art du portrait impérial, en élaborant une nouvelle esthétique étroitement liée à la personne du souverain et en instaurant tout un cérémonial, une véritable étiquette de cour. » musée des bijoux de Téhéran. Enfin, il fait agrandir le palais du Golestan (dont le nom, qui signifie « jardin des roses », a inspiré son titre à l’exposi- tion) et aménage certains pavillons, telle la salle du trône. Le rôle de la pein- ture va, lui aussi, être déterminant et engendrer un véritable canon idéal, lié à la figure du souverain. Les voyageurs occidentaux comme les diplomates louaient en effet de façon unanime la beauté de Fath ‘Ali Shah. Or cette beauté sera transposée sur toutes les représentations, quel que soit leur support. Parallèlement aux portraits officiels du shah et de son entourage, naissent d’autres archétypes : le jeune joueur de luth, la musicienne. Quel rôle joue le mécénat princier et comment s’organise la création artistique ? Sous Fath ‘Ali Shah, les artistes béné- ficient d’un atelier au sein même du palais. Durant la période qajare, on connaît d’ailleurs le nom de nombre d’entre eux. Au début du XIX e siècle, l’atelier des peintres se situera préci- sément derrière la salle du trône, soit une proximité géographique qui tra- duit bien l’étroite symbiose qui existe alors entre art et pouvoir.

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