Extrait Dossier de l'Art

6 / DOSSIER DE L’ART 258 des études sur la peinture qajare (en grande partie effectuées par des personnes d’origine iranienne exilées aux États-Unis ou en Europe à la suite de la Révolution islamique) pour que le regard change. Les filtres sont d’abord tombés dans le monde anglo-saxon grâce à l’exposition de 1998 dont le retentissement a été considérable. Le public a alors découvert avec éblouis- sement l’art de la peinture qajare, et cela a été une vraie révélation. Comment définiriez-vous la période qajare ? À mon sens, c’est une période très intéressante car, loin d’être mono- lithique, c’est en fait un pivot entre deux époques distinctes. La première période s’étend de la première moi- tié du XVIII e siècle jusqu’aux années 1840 et se caractérise par une conti- nuité par rapport à ce qui se faisait avant, un retour à l’ordre. Au cours de la seconde période, qui va de 1840 à 1925, l’Iran voit ses relations voit ses relations avec l’Europe s’intensifier et son univers visuel changer en profon- deur. Une certitude s’impose. Dès les premières années de la dynastie qajare, l’art va s’affirmer comme un véritable instrument de stabilité politique. Il faut rappeler ce détail qui n’est pas ano- din. Installés depuis le XIV e siècle en Iran, les Qajars font partie de ces tri- bus d’origine turco-mongole qui sont arrivées après les invasions au sud de la Caspienne, dans le nord-ouest de « L’Empire des roses » semble être la première exposition d’envergure consacrée à l’art de cette dynastie iranienne qui a régné de 1786 à 1925. Quelle en est la raison ? L’exposition du Louvre-Lens est, en effet, la première exposition d’enver- gure qui traite de l’ensemble de la pro- duction artistique qajare, et non pas seulement de la peinture au sens large, comme cela avait été le cas, en 1998, au Brooklyn Museum de New York, puis à Londres et Los Angeles. Il faut bien admettre que cette période a été complètement négligée pendant très longtemps par les Occidentaux. L’art qajar a, en effet, longtemps embar- rassé les historiens de l’art car il parais- sait à leurs yeux trop « occidentalisé », pas assez « islamique ». À l’aube des années 2000, un éminent spécialiste comme Oleg Grabar avouait, lui-même, ne pas savoir exactement où le situer... L’autre raison de cet embarras s’ex- plique par le fait que c’est un art dont la production est pléthorique par rap- port aux périodes précédentes. Plus récentes, les œuvres qui nous sont parvenues sont, en outre, de qualité très variée et ont souvent été relé- guées au rang de témoignages ethno- graphiques : armes, céramiques, tissus, parures. Il faut bien reconnaître que la plupart des objets qui passent de nos jours dans les ventes ne sont pas for- cément les plus beaux ni les plus inté- ressants. Aussi, le reproche le plus cou- rant formulé à l’encontre de l’art qajar est son caractère prétendu kitsch. C’est sans doute parce qu’il manque aux Occidentaux certaines grilles de lecture pour comprendre ces objets, et que nous n’avons pas le filtre de la sélection des œuvres comme c’est le cas pour les périodes précédentes. Autre problème de taille, la grande majorité des collections qajares est conservée en Iran. Il a donc fallu attendre les années 80 et l’émergence Acrobate au paon , Iran, vers 1820-30 (?). Huile sur toile, 136 x 84 cm. Bellinzona, Archives cantonales du Tessin. Photo service de presse © Archives cantonales du Tessin – Studio Job-Massimo Pacciorin « Il a fallu attendre les années 80 et l’émergence des études sur la peinture qajare pour que le regard change. » GWENAËLLE FELLINGER Mihr ‘Ali ou l’un de ses élèves (Ahmad ?) (attribué à), Princesse au bouquet de fleurs , Iran (Ispahan ?), vers 1815. Huile sur toile, 193 x 93,5 cm. Cannes, musée de la Castre. Photo service de presse © Musée de la Castre, Cannes – B. Holsnyder ENTRETIEN AVEC

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