Extrait Archéologia - HS n°25

9 HOMÈRE ET L’ARCHÉOLOGIE Y a-t-il des découvertes récentes en archéologie faites sur ce sujet ? Non, pas vraiment – mise à part la découverte, l’été dernier, d’une dalle en terre cuite gravée de treize vers d’un chant de l’ Odyssée , datée du III e siècle de notre ère. Elle a été très révélatrice de l’engouement mondial que suscite Homère à chaque fois que son nom est prononcé ! Cependant, aujourd’hui encore, certains archéologues et historiens se basent sur les écrits d’Homère pour poursuivre leurs recherches et pour retrouver le monde des héros antiques. L’exposition questionne ce désir et cette démarche, ses raisons et son histoire, qui existent dès l’Antiquité ! Au V e siècle avant notre ère, les Grecs, intéressés par leur origine, cherchent déjà la tombe d’Agamemnon – comme le fera Heinrich Schliemann au XIX e siècle. Quand, à la fin du I er siècle avant notre ère, le géographe Strabon décrit la Grèce, il souhaite y retrouver les paysages et les monuments décrits par Homère… et quand les Anciens retrouvent des tombes et des vestiges antiques, ils les relient directement aux héros du passé, surtout à ceux chantés par Homère. Fouille-t-on encore à Troie ? C’est une grande question ! Quand on mène des recherches à Hissarlik en Turquie, là où depuis l’époque romaine on situe la Troie homérique, qu’espère-t-on trouver ? Si la guerre de Troie a eu lieu, Hissarlik est sans doute le site qui convient le mieux ; mais le désir de retrouver la cité de Priam à tout prix est un fait historique plus important que l’exactitude de l’identification. C’est la même chose que pour l’archéologie biblique finalement… Souhaite-t-on retrouver les traces de ces héros ou s’intéresser à la vie à cette époque ? Et de quelle époque parle-t-on d’ailleurs ? Il semblerait que nous n’ayons pas affaire à une époque particulière de la Grèce antique mais à un récit qui s’est perpétuellement enrichi d’éléments nouveaux. Dans l’exposition, nous avons aussi voulu aborder cette dynamique de la transmission et ce désir de retrouver le foyer d’origine de la guerre de Troie. Pourquoi ce récit continue-t-il de nous marquer et pourquoi veut-on encore aujourd’hui retrouver le palais d’Ulysse par exemple ? Portrait imaginaire du poète Homère. II e siècle de notre ère, d’après un original grec créé vers 150 avant notre ère. Paris, musée du Louvre. © Musée du Louvre, dist. RMN-GP / Thierry Ollivier / SP C’est une constante pour décrire la figure du Poète (dont on ne possède par ailleurs aucune description physique) : il aurait été aveugle. Deux histoires rapportées par les Vies parallèles de Plutarque abordent les raisons de cette cécité : l’une dit que le Poète aurait été aveuglé par Hélène en guise de châtiment pour le rôle qu’il lui avait fait jouer dans son œuvre, l’autre que l’éclat aveuglant des armes d’Achille au combat lui aurait retiré la vue…Selon la Vie du Pseudo-Hérodote, c’est plutôt une maladie qui l’aurait rendu aveugle. Cette cécité a donné lieu à des représentations variées tout au longde l’Antiquitédont laplus célèbre est certainement ce buste dit « du type aveugle », d’époque hellénistique. Son air olympien renforce l’idée du « Maître de la Grèce », exerçant un magistère moral et philosophique sur les hommes, la cécité rendant le Poète proche des devins qui ont accès à des connaissances surnaturelles. A. F. Pourquoi a-t-on représenté Homère aveugle ?