Extrait Archéologia

ans les musées 6 / ARCHÉOLOGIA N° 564 Pour aborder cette exposition, il est important de se défaire de nos référents d'Occidentaux en revenant à l’étymologie du mot « parfum », soit « à travers la fumée ». Bien avant d’être un composé alcoolique, le parfum se présente sous forme solide pour être brûlé, en Asie comme dans le monde antique, afin d'entrer en contact avec les divinités. Si le parfum parvient en Chine sous le règne de l'empereur Mingdi des Han (57-75), il faut attendre les traductions des principaux textes sacrés du bouddhisme pendant la période des Six Dynasties (220-581) et des Tang (618-907) pour que les pratiques indiennes de l'encens fassent plei- nement partie de la culture chinoise. ENCENS ET BRÛLE-PARFUMS Des premiers brûle-parfums, composés de coupelles que l'on recouvre d'un couvercle ajouré, se développe un modèle caractéristique en forme de montagne. Comme l'explique Éric Lefebvre, directeur du musée et commissaire de l'exposition, leur origine fait encore l'objet d'interprétations. Beaucoup y voient la trans- position d'une mode originaire du monde iranien adoptée en Chine par l'intermédiaire de l'Asie cen- trale, qui serait associée au taoïsme. Les matériaux nécessaires à la confection des bâton- nets d'encens font écho à un important réseau d’échanges commerciaux (bois d'aigle, bois de san- tal, ambre gris, musc, patchouli, encens d'oliban, PARIS PARFUMS DE CHINE La nouvelle exposition du musée Cernuschi ne manquera pas de surprendre le visiteur en dévoilant combien le parfum constitue un fil conducteur, essentiel et original, pour comprendre toute l'histoire de la Chine ancienne. Cinq années de recherches ont été nécessaires pour organiser cette manifestation, rassemblant près de 110 objets d'art et d'archéologie dont la majorité provient du musée de Shanghai. Brûle-parfum avec une paire d'oiseaux. Bronze,dynastie des Han (III e siècle avant J.-C. - III e siècle après J.-C),19,4 × 9,25 cm,musée de Shanghai.©Musée de Shanghai INFOS PRATIQUES Parfums de Chine.La culture de l'encens au temps des empereurs , jusqu'au 26 août 2018, au musée Cernuschi, musée des Arts de l'Asie de la Ville de Paris, 7 avenue Vélasquez, 75008 Paris. Tél. : 01 53 96 21 50 et www.cernuschi.paris.fr . Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 10h à 18h ; nocturne le vendredi jusqu'à 21 h. styrax, camphre, clou de girofle ou encore benjoin) et au fil de la longue histoire de la Chine, ce produit demeure luxueux. Néanmoins, elle n'est pas uni- quement destinée au monde rituel et se retrouve également dans l'univers des lettrés ou du guerrier, ainsi que dans la sphère féminine, comme l'illustre cette peinture de Chen Hongshou représentant une femme parfumant ses manches sur un brûle- parfum. Céramiques, dessins, bronzes ou toiles issus du musée de Shanghai, présentés en Europe pour la première fois, retracent cette histoire, accompagnant une vingtaine de pièces de la collection parisienne. Fruit de longues années de recherches, l'exposition a aussi conduit à de nouvelles interprétations d'objets : identifiés comme des bougeoirs de l’époque Song, certains sont aujourd'hui compris comme des brûle- parfums. De même, la confrontation avec des décou- vertesarchéologiquesrécentesapermisd'affinerlacom- préhensionde boîtes à parfums,à l'intérieur desquelles ontétéretrouvéesdesmatièresparfuméesenveloppées de textiles. Et pour se rapprocher le plus possible de ce qui reste insaisissable, François Demachy, créateur- parfumeur au sein des Parfums Christian Dior, a réin- terprété des formules chinoises anciennes traduites et sélectionnées par le conseiller scientifique de l'exposi- tion Frédéric Obringer. Un voyage des sens à nul autre pareil… Stéphanie Pioda Brûle-parfum tripode ajouré. Céramique aux cinq couleurs et or, four de Jingdezhen,dynastie des Ming (XIV e siècle-XVII e siècle),8 × 15,5 cm, musée de Shanghai.©Musée de Shanghai

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