Extrait Art de l'Enluminure

parchemin et n’est pas collé sur cette dernière. Figurée en veuve, avec une robe et un manteau noirs au revers d’hermine, coiffée d’un attifet également noir doublé de blanc et d’un bandeau du même blanc serrant son front, la « presque reine » présente les traits dignes et doux de la majesté royale. Sa peau nacrée est mise en valeur par le camaïeu vestimentaire et le fond azur de la miniature. Nous proposons de la rendre à Jean Clouet (vers 1480-vers 1540), peintre du roi, vraisemblablement formé en Flandre, qui fut le portraitiste officiel de François I er et qui immortalisa la cour de ce dernier, à sa demande, grâce à ses portraits dessinés aux crayons (pierre noire et sanguine), mais aussi par ses tableaux ou ses miniatures. Il reprit ici le modèle qu’il avait établi pour l’image de la mère du roi à l’avènement de François I er , en 1515, un modèle aujourd’hui perdu, uniquement connu par des copies peintes ou dessinées 6 . Ce superbe portrait est, selon toute vraisemblance, contemporain du texte, autour de 1530. Ses caractéristiques rejoignent d’autres portraits miniatures peints à la gouache sur vélin par Jean Clouet, comme celui de Charles de Cossé 7 ou d’une dame inconnue 8 , datant de la même période : on y retrouve la douceur et la vibration propres à Jean Clouet, tout comme le traitement tout en fondu qu’il emploie pour les carnations. Il s’agit ici d’une de ses plus belles réalisations sur vélin. La place de ce portrait de Louise de Savoie dans le livre d’heures est tout sauf anodine. Signe de la piété filiale nourrie par François I er à l’égard de sa mère alors malade, l’image fut conservée lors de l’enrichissement du manuscrit par Catherine de Médicis. Bien que Catherine n’arrivât en France qu’après la mort de Louise, cette dernière constitua à coup sûr l’un des modèles tutélaires de la reine Médicis, celui de la digne veuve, grande femme d’État, fière de sa descendance et prête à tout pour conforter le pouvoir de celle-ci. Le texte du livre d’heures Si on fait abstraction de l’important cycle de portraits peints qui fait toute l’originalité et l’unicité du volume, les Heures de Catherine de Médicis sont assez traditionnelles dans leur contenu. On y trouve en effet la plupart des textes caractéristiques des livres d’heures, ces best-sellers de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance très fréquemment commandés par les laïcs pour les accompagner dans leurs dévotions et prières quotidiennes. Le volume aurait dû commencer par un calendrier. Si celui-ci fut initialement rédigé, il disparut assez tôt, au plus tard lors de la pose de l’actuelle reliure pour Catherine de Médicis. Le manuscrit s’ouvre aujourd’hui sur une oraison (f os 3-4 v°), suivie du prologue de l’ Évangile selon saint Jean (f os 5-7), de la Passion selon saint Jean (f os 7-19), des heures de la Vierge à l’usage de Rome (f os 19-83 v°), de prières diverses (f os 84-99), des psaumes en français en guise de prières (f os 100 v°-151), des psaumes de la pénitence (f os 153-168 v°), des litanies à l’usage de Rome (f os 169-182), des prières pour la confession et la communion (f os 182-222 v°). L’importance des oraisons et prières explique vraisemblablement l’absence de suffrages aux saints. Il n’y a pas non plus d’heures de la Croix, d’heures du Saint-Esprit ou d’office des morts. L’ensemble fut copié d’un trait, dans une élégante écriture humanistique, vers 1530. Le texte comme le décor secondaire (encadrements, bordures, cartels de textes, lettres ornées) apparaissent ainsi d’une grande cohérence. Si un certain nombre de textes sont attendus dans les livres d’heures (en premier lieu les heures de laVierge), la personnalité de leur commanditaire transparaît souvent par le choix ou la personnification de certaines prières ou oraisons. Dans leur forme originelle destinée à François I er , les Heures de Catherine de Médicis frappent ainsi, pour ce qui est de leur contenu, par Art de l’enluminure 7 NAL 82, Portrait de Louise de Savoie , f° 2 v°, détail.

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