Extrait L'Objet d'Art

5 JANVIER 2019 L’OBJET D’ART Au gré des influences de Rome à Bergame Lorenzo Lotto est déjà passé par Rome lors- qu’il livre un autre Portrait frontal de jeune homme (Florence, galerie des Offices ; vers 1510). L’œuvre, présentée à Madrid, est ab- sente des cimaises londoniennes, mais le catalogue en livre une radiographie très in- téressante. Exécutée avec un pinceau plus expressif et diffus, elle montre l’influence du courant raphaellesque sur l’art de Lotto. Raphaël inspira sans doute par ailleurs l’ico- nographie du double Portrait de Giovanni Agostino della Torre avec son fils (Londres, National Gallery ; vers 1516), tableau où la présence d’un livre de comptes – celui que tient le plus âgé des deux hommes – n’avait jamais été démontrée auparavant. En 1516, Lotto est déjà installé à Bergame depuis trois ans. Il bénéficie d’une attention toute particulière de la part de la noblesse locale (les alliés de la Ré- publique surtout) et peint un certain nombre de tableaux de dévotion privée, de retables, ainsi qu’un grand cycle de fresques à Trescore. Il s’illustre durant cette période au travers de portraits cryptiques tel le Portrait de Lucina Brembati (Bergame, Accademia Carrara ; vers 1520). Cetteœuvre est restée célèbre pour un détail révélateur de l’esprit du peintre : décrit au clair de lune, le portrait porte précisément dans le croissant l’indice de l’identité dumodèle (les lettres « C.I. » sont écrites sur la lune, de telle sorte que le prénom LuCIna est recomposé sous forme de rébus). Dans le superbe Portrait d’un couplemarié (Saint-Pé- tersbourg, Ermitage ; 1523-1524), restauré à l’occasion de cette expo- sition, un écureuil endormi au centre de la scène associé à un billet portant l’inscription«HomoNumquam»évoque l’attachement dumari « Lorenzo Lotto. Portraits », jusqu’au 10 février 2019 à la National Gallery, Trafalgar Square, Londres. Tél. 00 44 20 7747 2885. www.nationalgallery.org.uk Catalogue, Thames & Hudson, 372 p., 29,95 £. À LIRE : Dossier de l’Art n° 264, éditions Faton, 80 p., 9,50 € . À COMMANDER SUR WWW.FATON.FR à l’égard de son épouse. D’autres portraits de couples nous informent implicitement du succès de ces compositions auprès de l’aristocratie bergamasque et l’exposition en propose plusieurs. L’histoire de l’art en marche L’événement londonienoffreaussi l’occasion d’admirer des œuvres moins vues confron- tées à de vrais chefs-d’œuvre du genre. Ain- si, le précieux Portrait de l’évêque Tomaso Negri (signé et daté 1527), conservé dans la ville de Split (Croatie), jouxte-t-il l’incon- tournable Portrait d’AndreaOdoni (Hampton Court, TheRoyal CollectionTrust ; 1527) peint durant le séjour de Lotto dans sa ville natale. Si ce dernier est documenté dès son entrée dans la collection par Marcantonio Michiel ( Notizia d’Opere del disegno , 1521-1543), le portrait croate fut longtemps ignoré de la critique (il fut découvert en1908et exposé dans la rétrospective organi- sée par Pietro Zampetti en 1953) et donne à penser, malgré l’inhabituel volumededocuments relatifs à saproduction, que l’œuvrepeint de Lotto s’enrichira peut-être d’autres portraits dans les prochaines décennies. L’exposition de Londres doit à ce titre être vue comme une opportu- nité unique d’apprécier l’un des meilleurs représentants italiens de la Renaissance dans ce domaine précis du portrait. En conclusion de son parcours, le visiteur aura de surcroît le plaisir d’admirer deux raretés peintes sur papier : le Portrait d’homme tenant un chapeau (Ottawa, National Gallery of Canada) et le Portrait de vieil homme (Berlin, Kupferstichkabinett) publié pour la première fois en 2005. Christophe Brouard Portrait de vieil homme , probablement vers 1540. Huile sur papier, 18,6 x 18,5 cm. Berlin, Kupferstichkabinett. Photo service de presse. © Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin Portrait d'un couple marié , 1523-1524. Huile sur toile, 96 x 116 cm. St Petersburg, The State Hermitage Museum. Photo service de presse. © The State Hermitage Museum, St Petersburg

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