Extrait L'Objet d'Art

4 L’OBJET D’ART JANVIER 2019 LONDRES LORENZO LOTTO PORTRAITISTE Fruit d’une collaboration entre la National Gallery de Londres et le musée du Prado à Madrid où elle a déjà été présentée, l’exposition londonienne se penche, à l’aune des dernières recherches, sur un genre où le peintre a excellé. Si l’événement madrilène rassemblait un nombre intéressant de des- sins – dont quelques-uns nouvellement versés au catalogue de Lotto – et quelques toiles supplémentaires, la version londonienne offre une belle synthèse autour d’une trentaine de tableaux, quelques sculptures antiques, des bijoux, des vêtements oumême un tapis d’Orient, mis en rapport avec le grand retable de la basilique dominicaine San Giovanni e Paolo à Venise (1542). L’exposition est en grande partie inspirée des recherches d’Enrico Maria Dal Pozzolo sur l’artiste. Ce dernier en est d’ailleurs le commissaire, aux côtés de Miguel Falomir (Prado) et de Matthias Wivel (National Gallery). Un artiste singulier et fascinant L’art de Lorenzo Lotto est, comme le démontrent de nombreux essais à son propos, l’une des expressions les plus singulières du Cinquecento . Le peintre, né à Venise et décédé à Lorette, développa en effet une approche très personnelle, tant sur le plan stylistique que sur celui de l’interprétation des textes religieux et des grandsmodèles de l’Italie cen- trale. C’est particulièrement frappant en ce qui concerne sa production d’œuvres religieuses, mais aussi, bien que leur nombre soit beaucoup plus restreint, dans certainesœuvres profanes à la saveur douce-amère. Dans le domaine du portrait, le peintre explore, tout autant que dans les autres genres, les répertoires for- mels d’artistes vénitiens, allemands, romains ou lombards. Ses œuvres, dessins et peintures lui permettent d’affirmer ses choix : dans le dessin, ses qualités techniques s’imposent ; en peinture, sa palette fascine. L’exposition dessine en creux, au tra- vers d’un parcours chronologique, le cheminement et lemode d’appropria- tion par Lorenzo Lotto de plusieurs courants et styles, entre ses tout débuts et la fin de sa carrière. L’apprentissage à Venise On découvre ainsi aux côtés du re- table d’Asolo ( La Vierge en assomp- tion, avec saint Antoine abbé et saint Louis de Toulouse ; signé et daté 1506), dans lequel Dal Pozzolo iden- tifie, non sans spéculation, le portrait de Caterina Cornaro – l’ancienne reine de Chypre que la Sérénissime avait obligée d’accepter un fief précisément à Asolo –, un groupe de portraits au dessin très achevé. La période correspond à celle de la jeunesse du peintre. Durant les premières années du XVI e siècle (entre Venise et Trévise qu’il quitte en 1506), l’art de Lotto se ressent encore du long apprentissage dans les ateliers de la Lagune, comme en témoigne le Portrait frontal d’un jeune homme à la coiffe (Bergame, Accademia Carrara) pour lequel une date précoce est avancée – 1498-1500. L’œuvre présente une grande finesse d’exécution et fut un temps attribuée à Hans Holbein le Jeune. Elle doit en revanche être rapprochée des portraits tant admirés à Ve- nise de Jacometto Veneziano. Son attribution continue d’ailleurs de diviser. Cette même finesse apparaît dans plusieurs portraits de la période trévisane – notamment celui de l’évêque Bernardo de’ Rossi (Naples, museo di Capodimonte ; 1505). Elle disparaît en revanche quelques années plus tard. Portrait d’Andrea Odoni , 1527. Huile sur toile, 104,6 x 116,6 cm. Royal Collection Trust. Photo service de presse. © Her Majesty Queen Elizabeth II 2018 EXPOSITIONS

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