Extrait Art et Métiers du Livre

AML N° 324 5 Toulouse-Lautrec Pendant les dix dernières années de sa courte vie,Toulouse-Lautrec a tenté de saisir l’âme nocturne de Montmartre en se lançant dans la lithographie. Remarquables d’audace et de modernité, 90 de ses œuvres graphiques sont exposées à la Fondation Gianadda, grâce au prêt d’un collectionneur européen. En 1891, le mythique Moulin Rouge vient d’ouvrir ses portes au pied de la butte Montmartre et son fondateur, Charles Zidler, lance un concours d’af- fiches pour annoncer le spectacle vibrionnant de la Goulue, vedette du cancan populaire. De nombreux artistes, dont Pierre Bonnard, parti- cipent à la compétition, mais la mise est raflée par un jeune provincial au nom bientôt célèbre : Henri de Tou- louse-Lautrec (1864-1901). Sa litho- graphie,la première d’une longue série, dégage une séduction et une nou- veauté qui vont révolutionner l’affiche à la Belle-Époque. Au Moulin Rouge, tout le monde connaît déjà ce gnome de 1,52 mètre qui passe ses soirées un verre d’absinthe à la main, un crayon dans l’autre, à croquer sur le vif cet univers de plaisirs. C’est l’héritier d’une vieille famille aristocratique du Sud-Ouest. Après avoir appris, à 14 ans, qu’il ne grandirait plus à cause d’une maladie génétique, il est venu à Paris chercher des raisons de vivre en dépit de son handicap. Il en a trouvé deux dans le quartier de Montmartre : l’art, qu’il étudie le jour, dans les ate- liers de Léon Bonnat, puis Fernand Cormon, et la fête, qui bat son plein la nuit, dans les cabarets et maisons closes où se pressent toutes les couches de la société. Perdu dans la foule, étourdi par les charmes de la « fée verte » et des danseuses de cha- hut, Toulouse-Lautrec oublie sa taille contrefaite et se surpasse en créant à profusion jusqu’à sa mort prématurée en 1901.Après la Goulue, ses modèles de prédilection sont tour à tour la flamboyante et sensible danseuse Jane Avril, la chanteuse Yvette Guilbert, le chansonnier Aristide Bruant… À l’au- dace de ces sujets insolites, il répond par l’audace d’un style inédit,inspiré du japonisme : le recours à l’aplat, au cra- chis et aux cernes foncés témoigne de cette influence et consacre l’élégante modernité de ses estampes. La preuve à la Fondation Gianadda, où une col- lection privée retrace cette décennie d’intense production graphique. Parmi les quelque 90 œuvres exposées, figurent la quasi totalité des 31 affiches (il n’en manque qu’une) de Tou- louse-Lautrec, des épreuves d’essai inédites, des estampes rarissimes, des dessins originaux et des créations de ses amis sur les mêmes sujets. Il n’y a plus qu’à se laisser entraîner par le tourbillon des froufrous, paillettes, plumes et cancans du « Premier palais des femmes ». Marie-Amélie Blin Toulouse-Lautrec à la Belle-Époque, French Cancans, œuvres graphiques, une collection privée, jusqu’au 10 juin 2018, Fondation Pierre Gianadda, rue du Forum, 59, 1920 Martigny (Suisse). Tous les jours de 10h à 18h. Tél. : 00 41 27 722 39 78, site Internet : gianadda.ch . Cat. édition Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 290 pages. Prix : 35,50 €. De haut en bas : Henri deToulouse-Lautrec, Moulin Rouge - La Goulue , 1891, lithographie en couleurs sur papier vélin, 195 x 122 cm. Collection particulière. © Peter Schälchi. Henri de Toulouse-Lautrec, Divan Japonais , 1892-1893, lithographie en couleurs, 81 x 61 cm. Collection particulière. © Peter Schälchi.

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