Extrait

Premier tissage mis sur métier 16 par le nou- veau responsable de la manufacture, Ange Duvivier, qui la dirige depuis le 1 er mars 1807 après la mort de son père, le tapis, terminé le 5 mai 1809, entre ce même jour au magasin de la manufacture 17 . Le 2 décembre suivant, parmi les tapis sans destination susceptibles de constituer un présent pour le roi de Saxe Frédéric- Auguste I er , Duvivier propose, entre autres, ce tapis turc 18 auquel fut préféré le second tissage d’une des parties latérales du tapis pour la salle duTrône des Tuileries [cat. 10]. Le tapis turc allait bientôt trouver une brève utilisation. Deux jours après la visite de Napoléon à la Savonnerie le 27 fé- vrier 1810 19 , Daru, fort discret sur le motif de sa demande, écrit à Duvivier 20 : « Il est possible […] que l’administration du Mobilier ait besoin, pour un service pressé, de deux tapis de la Savonnerie. Il en existe deux dans les magasins de la manufacture 21 […]. Je prie M. Desmazis de les voir et s’il juge qu’ils puissent conve- nir, je vous autorise à les lui livrer. » Daru recommande à Duvivier de se faire remet- tre un reçu et d’adresser une facture dont le montant sera pris en charge par le Mobilier impérial. L’affaire ne traîne pas. Elle était urgente, il est vrai, puisque « le service pressé » auquel Daru fait allusion n’est autre que le pro- chain mariage de l’empereur avec l’archi- duchesse d’Autriche Marie-Louise et l’arrivée en France de celle-ci. L’intendant général avait en effet reçu ce 1 er mars 1810 les instructions données par le grand ma- réchal, selon les ordres précis de l’empe- reur, pour le voyage en France de la nouvelle impératrice : « Deux services ab- solument semblables » doivent être prévus avec notamment « un lit en fer complet, un tapis de la Savonnerie pour la chambre à coucher […]. Le premier [service] ira s’établir à la première couchée après Strasbourg et l’autre à la seconde, et ils continueront de manière que Sa Majesté ait partout sa chambre à coucher complète 22 ». Le 1 er mars au soir 23 , Desmazis se rend à la Savonnerie, voit les tapis, précise à Du- vivier qu’il a reçu l’ordre du grand maré- chal, le duc de Frioul, de les faire enlever en même temps que les tapis pour la cha- pelle et la salle du Trône des Tuileries [cat. 9 et 10] et se fait confirmer par Daru l’autorisation qu’il obtient le 15 mars suivant. Le tapis est livré peu après, ainsi que celui à guirlandes de roses [cat. 2 A], au Mobilier impérial : « Pour le service de S. M. l’impératrice à son voyage en arrivant en France. N o 6088. 1 tapis de Savonnerie, bordure à feuilles d’acanthe roulées avec pierreries, ornements et fleurs avec turbans sur fond lilas milieu à crois- sants 24 . » L’inscription au journal du Mo- bilier impérial pour 1809-1810 n’est enregistrée qu’à la date du 5 avril 1810 parmi les livraisons de la Savonnerie, avec une semblable description 25 . Le tapis ren- tre trois jours plus tard, le 8, au Mobilier impérial, après avoir été utilisé alternati- vement avec celui à guirlandes de roses pendant le voyage. Il figure à l’inventaire au 1 er janvier 1811 26 . En adressant à Pierre Daru le 18 mars 1811 la liste des tapis qu’il a livrés au Garde- Meuble depuis qu’il dirige la Savonnerie, Duvivier mentionne le « petit tapis turc portant des fleurs et turbans […] fait en 1808 et 1809 […] l’effet de ce tapis et les soins de son travail m’ont engagé à porter son mètre carré à 550 francs 27 ». Le tapis est inscrit à l’inventaire des maga- sins au 1 er janvier 1815 28 . Envoyé en 1819 à l’Élysée pour le cabinet de toilette voisin de la chambre à coucher de la duchesse de Berry, au premier étage, il figure à l’inventaire de 1820 29 . Il allait rester pendant soixante-dix ans dans le palais 30 . Rentré de l’Élysée au Mobilier national le 24 juin 1890 31 , il est inscrit à l’inventaire Garat avec son numéro de 1890 et celui de l’Élysée (EN 668), pris ensuite à l’inventaire de 1894 (GMT 2055), puis mis en dépôt une quinzaine d’années plus tard à Malmaison pour le salon de musique 32 . Il a été présenté à l’exposition Quatre siècles de tapis français au musée des Arts décora- tifs en 1949. En le classant parmi les tapis d’époque Louis XVI, mais sans indiquer qu’il s’agissait d’un tissage de la manufac- ture de la Savonnerie, Michel Faré précisait qu’il était à rapprocher de celui destiné au boudoir turc de Fontainebleau. Ce tapis a été exposé en 2010 à Compiègne après que son histoire a pu être rétablie 33 . Il est tou- jours conservé à Malmaison. Ce tapis a été considéré, depuis plusieurs décennies et jusqu’à nos récentes publica- tions 34 , comme l’exemplaire tissé au XVIII e siècle pour le boudoir turc de Marie- Antoinette à Fontainebleau 35 . Comme le précédent exemplaire, celui-ci n’a pas été tissé fidèlement d’après le modèle conçu par Bellengé pour s’adapter à la forme très particulière du boudoir turc dont le tapis était « rond des deux bouts et […] échancré 36 ». Un examen attentif du tapis, aujourd’hui à Versailles, montre que sa forme n’a pas été modifiée : il ne porte aucune trace d’arrondi, ni d’échancrure, ou encore de rentraiture effectuée après son exécution pour dissimuler d’anciennes découpes 37 . Il comporte aussi d’importantes variantes dans son décor, avec la présence des aigles aux quatre angles ; or le tapis d’origine, décrit dans l’État de 1789, avait seulement deux aigles dont les ailes éployées devaient parfaitement s’adapter aux arrondis de part et d’autre de l’alcôve, tandis que deux consoles supportant, comme les aigles, des cassolettes, se trou- vaient à l’opposé, vers la fenêtre. 74 B. Tapis Dessin , voir 1 A Tapis Manufacture de la Savonnerie à Chaillot Tissage : 11 mars 1808 – 19 avril 1810 4,35 × 3,87 m É$que"e cousue au revers : « Beauvais Administra$on » Paris, Mobilier na$onal, GMT 2064, dépôt au musée na$onal des châteaux de Versailles et de Trianon, 2012 BIBLIOGRAPHIE Voir 1 A. DESCRIPTION Tapis composé d’une bordure à feuilles d’acanthe roulées, aigles aux coins supportant des cassole!es, fleurs et ornements sur fond lilas (AN, O 2 909, État des ouvrages en tapis exécutés à la manufacture impériale de la Savonnerie pendant les neuf premiers mois de l’an 1808).

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