Extrait

S’il y a une chose impossible, c’est bien d’étudier les frères Le Nain sans partir de la collection du Louvre: le musée abrite pas moins de quinze tableaux des trois frères, de loin la plus grande collection au monde. La deuxième, la National Gallery de Londres, n’en compte que quatre. C’est donc tout naturellement que le Louvre a été au cœur de toutes les recherches consacrées aux trois frères laonnois. Les expositions ont constitué autant de jalons de leur lente redécouverte: celle organisée au Petit Palais en 1934 suivie quelques mois plus tard par la grande exposition de Peintres de la réalité à l’Orangerie des Tuileries; celle de 1978 au Grand Palais; enfin les très récentes expositions présentées en 2016 et en 2017 au Kimbell Museum de Fort Worth, aux musées de San Francisco et au musée du Louvre-Lens. Ces dernières expositions ont confirmé le rayonnement mondial des trois artistes laonnois. À chaque fois, ces rétrospectives ont obligé les spécialistes à reconsidérer l’art des Le Nain. L’ouvrage proposé par Nicolas Milovanovic, conservateur chargé des peintures françaises du XVII e siècle au musée du Louvre, n’échappe pas à la règle. S’appuyant sur les trois expositions récentes, il propose la première biographie des frères Le Nain; ce travail constitue une gageure tant les documents sont encore rares. Cette biographie est accompagnée d’un catalogue raisonné, le second après celui de Pierre Rosenberg en 1993, qui succédait lui-même aux listes dressées par Robert C. Witt en 1910, par Paul Fierens en 1933, par Georges Isarlo en 1938 et par Anna Matteoli en 1990. C’est une étape nouvelle, un pas de plus, pour tenter de lever un petit coin du voile. L’auteur propose de nouvelles approches et de nouvelles hypothèses, insistant sur l’enracinement laonnois des frères Le Nain dans un milieu de vignerons, sur leurs liens stylistiques étroits avec les foyers nordiques, notamment avec le genre du portrait de groupe, sur les résonnances des scènes paysannes avec les milieux charitables féminins parisiens, où dominent les matriarches, et rejetant l’interprétation eucharistique de ces scènes. Il s’efforce aussi de distinguer la main de chacun des frères s’inscrivant ainsi dans une tradition initiée par Robert C. Witt en 1910, approfondie par Jean-Pierre Cuzin et Pierre Rosenberg après l’exposition de 1978. Il propose enfin une chronologie complète et argumentée selon laquelle les notices du catalogue sont classées… Ce travail permet ainsi de prendre la mesure de tout ce que l’on peut savoir aujourd’hui sur les Le Nain et aussi de tout qu’il reste à découvrir. Gageons que l’ouvrage stimulera à son tour de nouvelles recherches consacrées à ce «mystère Le Nain» dont le pouvoir de fascination paraît défier le temps. Sébastien Allard Directeur du département des Peintures du musée du Louvre L PRÉFACE 5

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