Extrait

Le succès des tableaux paysans des frères Le Nain n’a pas été seulement posthume. Ces œuvres ont été recherchées dès le vivant des trois frères. C’est ce qui ressort en creux des quelques lignes très critiques rédigées à propos des frères Le Nain par André Félibien dans le volume de ses Entretiens publié en 1688: «Les Nain, frères, faisaient des portraits et des histoires, mais d’une manière peu noble, représentant souvent des sujets simples et sans beauté. / J’ai vu, interrompit Pymandre, de leurs tableaux;mais j’avoue que je ne pouvais m’arrêter à considérer ces sujets d’actions basses et souvent ridicules. / Les ouvrages, repris-je, où l’esprit a peu de part deviennent bien-tôt [ sic ] ennuyeux. Ce n’est pas que quand il y a de la vraisemblance, et que les choses y sont exprimées avec art, cesmêmes choses ne sur- prennent d’abord, et ne nous plaisent pendant quelque temps avant que de nous ennuyer: c’est pourquoi comme ces sortes de peintures ne peuvent divertir qu’unmoment et par intervalle [c’est nous qui soulignons], on voit peu de personnes connaissantes qui s’y attachent beaucoup 1 .» Le succès des frères Le Nain est également attesté par leur admission à l’Académie royale de peinture et de sculpture seulement quelques semaines après sa fondation, en février 1648. Ils y sont reçus le 7 mars en tant que vingt-huitième, vingt-neuvième et trentième membres de la compagnie 2 . Par un coup du sort, deux mois et demi après cette reconnaissance, les deux aînés, Antoine et Louis, décédèrent à deux jours d’intervalle. Leurs billets mortuaires, publiés par Augustin Jal, sont très laconiques: «du 24 dudit mai 1648 convoi et enterrement de Louis Le Nain peintre du roi en l’Académie […] du 26 mai 1648 convoi et enterrement d’Antoine Le Nain, peintre du roi en l’Académie 3 .» On ne connaît pas les causes de la mort, probablement une maladie contagieuse, ce qui expliquerait les deux décès presque simultanés. D’après le document notarié de la donation au dernier frère survivant établi le 4 décembre 1646, Mathieu hérita de l’atelier commun et de l’ensemble des biens de ses deux frères. Dès 1652, au prix de 5600 livres, il acheta une maison rue du Grenier-Saint-Lazare, qui fut aussitôt mise en location pour 300 livres annuelles. La même année, il acquit pour 525 livres de rentes sur la Ville de Paris, puis l’année suivante, en 1653, il acheta une seconde maison, L’oubli et la redécouverte LA CARRIÈRE DE MATHIEU APRÈS LA MORT DE SES DEUX FRÈRES Cat. 69 | Détail. 101

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