Extrait

24 INTRODUCTION Pendant ce temps, le Garde-Meuble avait conservé ses principales attributions. Encore dirigé par le commissaire général de la Maison du roi, Thierry de Ville d’Avray, jusqu’en août 1792, l’hôtel du Garde-Meuble ouvrait ses portes au public chaque premier mardi du mois 24 . Mais avec la chute de la monarchie s’ouvrit une période particulièrement troublée, marquée notamment par une succession rapide des inspecteurs généraux du Mobilier de la République (ou du Garde-Meuble national selon les documents 25 ), placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur : au peintre Jean-Bernard Restout 26 (20 août 1792 - 22 avril 1793) succéda le négo- ciant François-Louis Bayard (10 mai 1793 - 22 octobre 1796), qui laissa momentanément la place à Louis-François Dubois (1 er décembre 1793 - 31 août 1794), avant de retrouver son poste puis d’être remplacé par Nicolas-Auguste Villette (13 décembre 1795 - 19 mai 1798) 27 . À l’avènement du Directoire, le Garde-Meuble pourvut à l’ameublement des directeurs au Grand et au Petit Luxembourg en y réunissant les richesses d’art de l’ancien mobilier royal, sous couvert d’une simplicité républicaine de façade. Il suivait en cela les préconisations de Restout qui rappelait dès 1793 les impératifs de représentation de tout gouvernement : « Non seulement les magasins sont pleins, mais des meubles d’une grande richesse sont faits… Nos mœurs ne veulent plus que nous affichions un vain faste, mais à moins que tous les peuples n’adoptent la même simplicité que nous, le luxe des cours existera 28 . » On trouvait ainsi dans la salle du conseil rien de moins que la table à l’Astronomie livrée par Jean-Henri Riesener à l’intendant du Garde-Meuble Pierre-Élisabeth de Fontanieu (1730-1784) en 1771 29 (fig. 3 et 3 bis) et la commode de la chambre de Louis XVI à Versailles (fig. 1) , après que les fleurs de lys du globe ont été remplacées par des étoiles. On doit encore citer des torchères provenant de la galerie des Glaces, les commodes et sièges du salon des jeux et du cabinet intérieur de Marie-Antoinette à Saint-Cloud, les bureaux de la bibliothèque et du cabinet intérieur de Louis XVI 30 … Les collections du Garde-Meuble n’allaient pourtant qu’en s’amenuisant : la situation financière de la République poussait chaque administration à d’importantes restrictions bud- gétaires. La vente des biens du Garde-Meuble, pouvant générer des bénéfices substantiels, fut donc préconisée et organisée, sous la surveillance impérative de deux commissaires du Conseil exécutif provisoire 31 . Outre les ventes et l’organisation de quelques loteries nationales, ce sont les remises de meubles et objets d’art, souvent de grande valeur, aux fournisseurs de la République en déduction de leurs créances qui entamèrent le plus sérieusement les collections entre 1795 et 1797 32 . Amputé d’une grande partie de ses collections, et ayant perdu toute vocation à centraliser l’ameublement des administrations qui devaient alors assu- mer leur installation, le Garde-Meuble fut bientôt chassé de son hôtel par le ministère de la Marine et son utilité jugée toute relative. Il s’ensuivit une mise en liquidation des articles restant en magasin, débutant le 19 juin 1797 (1 er messidor an V) et atteignant son terme le 19 mai 1798 (30 floréal an VI) 33 . La majeure partie du fonds mobilier fut partagée en deux dépôts, au ministère des Finances et surtout au palais du Luxembourg, où devaient perdurer un service et des ateliers préposés à l’ameublement des directeurs. Dans le même temps, les Menus-Plaisirs poursuivaient leur activité en devenant le dépôt des fêtes nationales. Avec l’installation des consuls aux Tuileries en février 1800 se forma un Garde-Meuble des consuls, héritier du service d’ameublement du Luxembourg, mais dont l’organisation et l’ampleur étaient sans commune mesure avec ce que fut le Garde-Meuble de la Couronne. Il devait néanmoins croître avec les ambitions de Bonaparte jusqu’au rétablissement d’un Garde- Meuble impérial ou Mobilier de la Couronne dès 1804, doté d’une structure et de budgets adaptés aux besoins de représentation de l’Empire 34 .

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